Le sourire du vieil homme

Claudine Houriet
Peintre et écrivaine, formée à l’Ecole d’art de la Chaux-de-Fonds, amoureuse de notre ville.

Au lieu du rendez-vous, un vieil homme, campé sur sa canne, les attendait au bas de l’immeuble. Maigre, l’allure un peu sévère démentie par un regard pétillant derrière le verre de ses lunettes. Laura s’interrogea. Était-il inscrit sur sa liste ? Qu’importe. Elle ne l’importunerait pas. Elle guidait un groupe dans les quartiers de la ville où abondaient, dans des locatifs sans prétention, des merveilles de l’Art déco. Les cages d’escalier étaient sa galerie d’art, son musée personnel. Les plus intéressantes dataient des premières années du XXe siècle. La plupart étaient anonymes, ou signées par des artisans inconnus, italiens souvent. Sous leurs pinceaux de peintres en bâtiment, faux-marbres en camaïeux, tiges ondulantes de buissons fleuris sur lesquels pépiaient des oiseaux, corolles délicates de pavots ou de roses, bogues et feuilles de marronniers savamment entremêlées, motifs géométriques recherchés et paysages romantiques décoraient de leurs couleurs raffinées les constructions d’une cité qu’on avait qualifiée trop longtemps d’austère.

Le vieil homme parlait peu, mais son air malicieux intrigua Laura. A la fin de la journée, elle lui proposa de le reconduire chez lui. Il la fit entrer dans un deux-pièces au rez-de-chaussée d’une ancienne maison. Et son visage ridé s’éclaircit d’un grand sourire devant sa stupéfaction. Partout sur les murs, des esquisses, des pochoirs, des dessins de ce qu’ils avaient découvert durant la visite.

– Mon grand-père a créé plusieurs de ces cages d’escalier. Petit garçon assis sur une marche, je le regardais. Souvent, nous retrouvions ses collègues en plein travail quelques rues plus loin. Bientôt, je serai pensionnaire d’un EMS. Je garderai certains souvenirs pour décorer ma chambre. Si le reste vous intéresse, Madame…

Une femme rousse à sa fenêtre, Plaisir de Lire, 2021
L’enlèvement et Une aïeule libertine, Ed. Luce Wilquin, 2016 et 2011

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