Florence Nater : « Être à l’écoute, c’est accepter d’être bousculée »

Giovanni Sammali & Justin Paroz

A la veille des Assises de la cohésion sociale, la ministre socialiste explique avec calme et sincérité les moteurs de son action au Gouvernement.

Le canton de Neuchâtel va ouvrir ce lundi 2 mai ses Assises de la cohésion sociale (lire encadré p.3). Jusqu’en avril 2023, un an de rencontres, débats, discussions et réflexions sont programmés. L’objectif : élaborer une politique sociale renouvelée, en impliquant expert-e-s, acteurs publics, privés et associatifs, usagers/ères et population. Dans une telle démarche, il y a tout Florence Nater, si attachée au terrain, et qui a toujours placé l’humain au centre de son action professionnelle et politique.

Ressouder un canton clivant, renforcer l’inclusion, exercer le pouvoir sans perdre le contact avec les réalités des gens : autant d’enjeux auxquels la ministre fait face. Après dix mois à la tête du DECS (département de l’emploi et de la cohésion sociale), elle a reçu Le Ô pour une grande interview. Tiens, au fait ! Son avis sur l’hebdo des Montagnes ? « Lancer un tel journal de nos jours, c’est… costaud ! »

Haut-Bas, Montagnes-Littoral… Gouverner ce canton, c’est faire de l’équilibrisme ?

(Inspiration, puis sourire). Il faut faire valoir la dimension inclusive aussi au niveau du territoire. Mon engagement au sein de la commission de santé lors de la mise en œuvre de l’initiative H+H a montré que j’avais ce souci des (dés)équilibres, en sachant que l’enjeu est justement de renforcer la cohésion. Il y a un gros travail à mener pour consolider les équilibres, en répartissant mieux les forces et les richesses entre les collectivités. Ceci en sachant que si l’on modifie quelque chose à un niveau, cela se répercute aux autres échelons, communal, cantonal ou fédéral…

Avez-vous vécu des scènes de machisme ordinaire comme femme de pouvoir ?

Non. Pas de machisme ordinaire, ni ici au Conseil d’Etat, ni par le passé comme conseillère communale en charge des travaux publics. Cela découle peut-être de mes convictions et de mon engagement qui sont bien connus. Parce que globalement, dans la société, je sais et je vois que cela existe. Je suis pour l’écriture inclusive, avec pragmatisme, parce qu’il m’apparaît essentiel que la langue rende compte des diverses dimensions de notre société. Les femmes restent minoritaires en politique, et au sein de notre Gouvernement, même si pour la première fois nous sommes deux. Et même trois avec la chancelière. C’est peu connu, mais le protocole attribuant des places précises, nous siégeons trois femmes d’un côté de la table, et les trois hommes de l’autre ! Cela va changer en mai avec le changement de présidence.

Assistante sociale, santé, politicienne : votre job préféré ?

(silence…) Je le dis avec sincérité : j’ai exercé chacun avec passion et toujours avec l’humain au centre. C’est comme ça que je me suis construite. Que ce soit auprès de personnes en difficulté, dans l’accompagnement de projets autour de la santé mentale, et ici au Gouvernement. Ma qualité de vie ? Quand j’étais à l’exécutif de Bevaix, je cumulais avec mon travail à 70% et un mandat au Grand Conseil. C’était déjà beaucoup. Mais là, mon compagnon (réd. : le médecin chaux-de-fonnier d’origine Albin Tzaut) et mes filles vous diraient que l’intensité est encore montée d’un cran ! On doit beaucoup plus décider sur le champ. Le défi est justement d’arriver à dégager du temps pour prendre du recul, se documenter… Mes journées commencent au bureau à 6h45, 7h00. Et quand je n’ai pas de séance en soirée, je rentre à la maison vers 20h30, 21h00…

La vie de château, proximité perdue ?

On nous perçoit peut-être comme perché-e-s en haut de notre Château, mais je m’efforce de garder le contact, aussi avec le lancement de ces Assises de la cohésion. Aujourd’hui ma fonction m’oblige parfois à une certaine distance. Tenir ces Assises de la cohésion, c’est une manière de garder une proximité avec la population, et de me laisser interpeller, parfois bousculer, par celle-ci. Ecouter, c’est aussi prendre des coups. Les Etats généraux sur l’inclusion dans un hôtel de Neuchâtel ont été un exemple édifiant : nous avons veillé à un maximum de choses, langue des signes, aide aux malvoyants… Et au final, il est ressorti que certains obstacles d’accessibilité avaient dû être affrontés par une personne en chaise roulante… Enfin, je compte aussi sur mes proches pour me dire si je perds le sens du terrain !

En matière de cohésion, comment n’oublier personne ?

Il faut faire preuve d’humilité, avoir un raisonnement le plus construit et le plus participatif possible. Il y aura toujours des gens et des besoins qui passeront entre les mailles du filet. Il faut le resserrer le plus possible. Il s’agit d’harmoniser les pratiques en matière d’aide sociale pour assurer l’égalité de traitement sur l’ensemble du territoire. Il est important d’être à l’écoute des diversités, au sens large, de lutter contre toutes les discriminations multiculturelles, sexuelles, de handicaps, d’âge… Ce qui ne veut pas dire que toutes les revendications pourront être prises en compte. Besoins, priorités, quelles sont les possibilités d’améliorer les choses.

 

Y a-t-il un particularisme chauxois en matière d’aide sociale ?

La Chaux-de-Fonds a potentiellement une part de sa population plus « fragile » que dans le reste du canton. Pour l’heure. Mais attention : nous ne devons pas stigmatiser la Ville (réd : la ministre acquiesce quand on évoque les derniers chiffres de l’Office fédéral de la statistique (cf. Le Ô du 1er avril) : 10,8 % de personnes au bénéfice d’une assistance dans la Métropole horlogère ; 9,4 % au chef-lieu). Il s’agit aussi de miser, ici comme ailleurs, sur les compétences et ressources de chacune et de chacun.

 

 

Esprit fédérateur : d’Expo.02 à Capitale culturelle suisse

Vingt ans après Expo.02, dont l’ouverture avait été célébrée en mai 2002, Florence Nater partage ce souvenir. « J’ai le souvenir très précis de la plus grande de mes filles, alors toute petite, que je regarde faire ses premiers pas entre les roseaux de l’arteplage de Neuchâtel. C’est si loin, mais les émotions sont restées proches. Au-delà des controverses, on a besoin de projets fédérateurs, aussi en terme de cohésion, et je me dis que si un grand rendez-vous culturel pouvait voir le jour, il ferait du bien. Vous me voyez sans doute venir : en disant cela, je pense bien sûr au projet de Capitale culturelle suisse 2025 à La Chaux-de-Fonds ! »

 

 

« Chaux-de-fonnière ! »

Avec Florence Nater, La Chaux-de-Fonds compte presque une deuxième conseillère d’Etat en plus de Crystel Graf (sans oublier Laurent Kurth). « Je suis attachée à cette ville, où après Saint-Imier, j’ai investi mes loisirs d’adolescente (réd : elle y fit dix ans de danse). J’y ai même dansé le french cancan avec la Revue des Bim’s !» Mais alors, pourquoi a-t-elle hésité à nous donner son pronostic pour un match du HCC ? « Parce que… je ne connais rien au hockey ! »

Côté sport, le départ ce mercredi de la 1re étape du Tour de Romandie à La Grande Béroche porte (un peu) la patte de l’ancienne conseillère communale de Bevaix. « C’est vrai que j’ai œuvré à la fusion, mais je n’étais pas seule. Cette union de six villages a rendu beaucoup de choses possibles, à l’image de ce départ. »

Assises de la cohésion : exprimez-vous !

Le 1er avril dernier, les États généraux de l’inclusion ont réuni à Neuchâtel les milieux concernés par le handicap. Place aux Assises de la cohésion, avec une soirée de débats publics ce lundi soir 2 mai à l’Heure Bleue à 18 h 30.

Experts et public dialogueront autour du travail productif et reproductif (tâches domestiques, proches aidants, bénévolat culturel et sportif…), mais aussi des personnes qui malgré leurs compétences ne trouvent pas d’emploi… Comment le Canton peut-il agir pour réduire les inégalités et éviter la marginalisation ?

Chacun-e est convié-e à s’exprimer ou témoigner sur la plateforme « Exprimez-vous » créée pour l’occasion. Soirée ouverte à toutes et tous, sur inscription.

Florence Nater dans son bureau. Détendue, accessible, elle prend la pause avec et pour Le Ô !    « Lancer un journal de nos jours, c’est costaud ! » (Photo jp – Le Ô).
Florence Nater dans son bureau. Détendue, accessible, elle prend la pause avec et pour Le Ô ! « Lancer un journal de nos jours, c’est costaud ! » (Photo jp – Le Ô).

Assises de la cohésion : exprimez-vous !

Le 1er avril dernier, les États généraux de l’inclusion ont réuni à Neuchâtel les milieux concernés par le handicap. Place aux Assises de la cohésion, avec une soirée de débats publics ce lundi soir 2 mai à l’Heure Bleue à 18 h 30.

Experts et public dialogueront autour du travail productif et reproductif (tâches domestiques, proches aidants, bénévolat culturel et sportif…), mais aussi des personnes qui malgré leurs compétences ne trouvent pas d’emploi… Comment le Canton peut-il agir pour réduire les inégalités et éviter la marginalisation ?

Chacun-e est convié-e à s’exprimer ou témoigner sur la plateforme « Exprimez-vous » créée pour l’occasion. Soirée ouverte à toutes et tous, sur inscription.

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