Où en sont les marchés ? Décryptage par Daniel Steck

Propos recueillis par
Anthony Picard

Analyste-gérant de fonds chez Piguet Galland, banque privée présente à La-Chaux-de-Fonds depuis 2021, il fait pour Le Ô une photo de situation.

Chute des bourses, des obligations et des titres immobiliers, perte de 30% sur leurs avoirs pour certains clients : les marchés jouent avec les nerfs des banquiers… et de leurs clients. Daniel Steck, analyste-gérant de fonds, spécialiste du marché suisse chez Piguet Galland a répondu à nos questions.

 

– Avec l’écroulement des bourses, la perte de valeur des titres immobiliers et une dégringolade des obligations, comment rester optimiste ?

– Il est difficile de rester confiant en 2022 alors que cette année a été très éprouvante pour les investisseurs, même conservateurs. La particularité de ce marché baissier est qu’il affecte toutes les classes d’actifs de manière synchronisée. Alors que durant les crises précédentes, les banques centrales avaient agi rapidement pour soutenir l’économie et les marchés, c’est aujourd’hui la situation inverse. L’objectif affiché des banquiers centraux est de ralentir l’économie afin de casser une inflation tenace, qui s’installe à des niveaux que les pays industrialisés n’avaient pas connu depuis des décennies. Résultat : un dégonflement des valorisations des actions, et un éclatement de la bulle obligataire.

Il y a pourtant de quoi redevenir optimiste après la débandade des bourses, car les signes de normalisation de l’inflation se multiplient. Les prix de l’énergie chutent, les progressions de salaires ralentissent, notamment aux Etats-Unis et l’activité ralentit, ce qui devrait conduire à un reflux des prix à la consommation. Dès que cette tendance sera vraiment amorcée, les banques centrales pourront enlever le pied du frein – en cessant de resserrer leur politique monétaire en montant les taux – ce qui devrait considérablement alléger la pression sur les bourses.

Chez Piguet Galland, le scénario demeure optimiste précisément parce que le sentiment – des consommateurs, des investisseurs et des dirigeants d’entreprises – est extrêmement dégradé, ce qui boursièrement est un signe positif. Il est bien trop tard pour capituler et vendre ses actifs. Historiquement, rentrer dans les marchés durant des périodes de panique a toujours été payant sur le long terme.

 

– Entre banques, faire moins mal que les autres en 2002, est devenu tendance ; raison suffisante pour devenir client et faire fructifier son bas de laine ?

– En 2022, la majorité des actifs financiers a affiché des performances négatives, à l’image des actions, des obligations ou de l’immobilier, raison pour laquelle faire « moins mal » que les autres est un but. Aussi car l’objectif d’une gestion de portefeuille est de maximiser la performance tout en protégeant du mieux que l’on peut le capital durant des périodes difficiles comme celle que l’on vit actuellement. La comparaison à un indice de référence ou à la concurrence est courante dans le milieu des clients institutionnels est moins aisée pour un client privé qui voit s’envoler une partie de ses économies. Historiquement toutefois, c’est en investissant après les périodes de fortes baisses que l’on maximise sa performance sur le long terme. C’est en fait lorsque l’on a le moins envie d’investir qu’il faut le faire. Ce point de vue appelé « contrariant » est justement le travail d’un professionnel de l’investissement, neutre, qui garde du recul par rapport à la situation boursière compliquée.

 

– Autrement dit, il vaut mieux conserver son cash en CHF sur son compte courant ?

– Sur le long terme, les investissements diversifiés ont toujours offert un rendement nettement supérieur à celui d’un compte courant, même s’il est vrai que le parcours est plus volatile. La tolérance au risque et le profil de l’investisseur sont déterminants pour définir la meilleure stratégie de placement, qui diffère d’un investisseur à un autre. Même si les taux négatifs ont disparu, les rendements offerts par un compte courant restent faibles et ne compensent pas le renchérissement de la vie, d’autant plus que l’inflation, même en Suisse, s’installe à des niveaux plus élevés que durant la dernière décennie.

 

– Pour ceux qui partent en retraite, rente ou capital ?

– Selon notre conseiller responsable en solutions patrimoniales, Vincent Arnal, la tendance observée depuis des années est une diminution forte des taux de conversion appliqués dans les différentes caisses de pension. Compte tenu de l’évolution démographique projetée, rien ne laisse présager une inversion de cette tendance. Les dernières statistiques démontrent que les néo-retraités optent davantage pour le capital. Cependant, il serait trop simpliste de tirer la conclusion que la prise de prestation de retraite en capital est dorénavant la solution adéquate. Chaque situation est unique. C’est pourquoi, nous recommandons d’être accompagné par un spécialiste qui vous proposera une planification financière. Cet outil présentera l’impact sur l’ensemble du patrimoine des 2 scénarios envisagés, ainsi que les conséquences fiscales et successorales tout en tenant compte des projets de vie. Chez Piguet Galland, nos experts en solutions patrimoniales sont à la disposition de nos clients pour proposer ce type d’expertise.

 

– Les clients qui perdu jusqu’à 30% de leurs avoirs s’impatientent : à quand un retour à des performances positives ?

– L’analyse du marché nous conduit à penser que le creux de la vague, même s’il n’est pas déjà atteint, n’est pas bien loin. Le reflux de l’inflation, le prochain adoucissement du ton des banquiers centraux et la résilience de l’économie, notamment américaine nous permet de rester positifs. Le sentiment est extrêmement dégradé, l’exposition au marché des professionnels de l’investissement est au plus bas, ce qui démontre qu’une capitulation a eu lieu ou est proche. Nous restons convaincus que nous ne sommes pas dans un scénario de crise systémique comme celle de 2008 bien que les performances des marchés et les niveaux de sentiment soient similaires. Même si 2022 est une des pires années pour les clients depuis près d’un siècle, nous continuons de tabler sur un retour aux performances positives pour 2023.

Daniel Steck, analyste-gérant de fonds de la banque genevoise Piguet Galland, présente à
La Chaux-de-Fonds depuis juin 2021, rue Jaquet-Droz 43. (Photo : sp)
Daniel Steck, analyste-gérant de fonds de la banque genevoise Piguet Galland, présente à La Chaux-de-Fonds depuis juin 2021, rue Jaquet-Droz 43. (Photo : sp)

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