Yvon Morin : le cuir et Le Locle dans la peau

Dunia Miralles

L’art de la maroquinerie, des objets de luxe aux fermetures éclair cassées.

Avec l’enseigne « Café » peinte sur la façade, et les fenêtres arches qui descendent au sol, l’extérieur ressemble à un décor de film. A l’intérieur, enthousiaste Yvon Morin me reçoit. Son atelier dégage un charme à la fois suranné et « gentrifié ».

Natif de Tours, amoureux de son métier de maroquinier, sellier et gainier, ce Compagnon du Devoir a parcouru la France et le monde durant dix ans. « Avant, les bourreliers s’occupaient des chevaux, réparaient et entretenaient le matériel et concevaient des accessoires. Maroquinier c’est une évolution du métier de bourrelier. Une malle est devenue un sac à main ou un sac à dos mais les techniques restent les mêmes. Les usines proposent des produits standardisés. Or, ce que les gens veulent à présent, c’est quelque chose qui dure dans le temps, un savoir-faire et un contact humain. Ce qui s’est perdu avec la mondialisation, on est en train de le retrouver ».

Yvon Morin crée des objets – de luxe ou plus modestes – d’après les besoins de sa clientèle ou en imagine pour les grandes occasions. Pour les 50 ans de carrière des Rolling Stones : une langue pour y ranger des écouteurs. Pour une guilde de Neuchâtel : des porte-verres à pied… Et pour la St-Valentin ? Un cœur en cuir rouge. En réalité, une pochette où l’on peut discrètement cacher un billet d’amour, une mèche de cheveux de la personne aimée ou un préservatif.

Yvon Morin travaille avec de prestigieuses entreprises d’horlogerie. Mais le prestige et la création ne sont pas ses uniques atouts. Il redonne également vie à des sacs ou à des accessoires. « Les gens viennent avec une fermeture éclair cassée, un bouton à remplacer, un mousqueton à récupérer. Parfois avec des choses sorties d’un placard, lors d’un héritage, tellement anciennes et abîmées qu’ils craignent de les casser. J’en fais une expertise et je vois ce qu’on peut faire ».

Yvon Morin n’est pas un « intégriste » du cuir. « Aujourd’hui, la majorité des sacs sont en bâche ou en skaï. J’adapte ma technique en fonction de la matière. Chez les Compagnons, on m’a toujours dit : « Tu dois faire de ton métier un art, aussi bien dans le luxe que dans l’article bas de gamme. Dans les deux, tu dois exercer le même savoir-faire ».
L’un de ses objectifs actuels, c’est de motiver les jeunes à embrasser ce métier, et de préparer la relève. Ayant les équivalences suisses de ses diplômes français, il a le droit d’enseigner. Et il compte bien trouver une personne pour lui apprendre la maroquinerie et reprendre son atelier le moment venu.

 

 

Vivre où je travaille

Yvon Morin arrive au Locle, en 2000, en tant que frontalier. Très vite, il tombe amoureux de la région, des gens d’ici et d’une femme. « Les compagnons apprenons en voyageant. On ouvre notre esprit à un savoir-faire différent. On apprend un savoir-être. On s’adapte aux gens et aux traditions. On ne s’impose pas. Ma philosophie c’est de vivre où je travaille ». Quelques mois plus tard, il emménage dans nos montagnes et il n’en est plus parti.

 

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Dans son atelier, rue de la France 24 au Locle, Yvon Morin exploite de mille et une façons le cuir, mais pas seulement. (Photo : Dunia Miralles)
Dans son atelier, rue de la France 24 au Locle, Yvon Morin exploite de mille et une façons le cuir, mais pas seulement. (Photo : Dunia Miralles)

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