Mademoiselle lança un coup d’œil à la pendule : 23 heures. Encore une heure à attendre. Elle voulait être sûre que tout le monde dormirait lorsqu’elle irait déposer un petit lapin en chocolat devant la porte de chaque locataire. Par chance son bras gauche ne lui faisait pas mal ce soir. Elle n’allait pas se plaindre : dans le quartier, elle était l’une des rares vieilles dames à vivre dans son appartement. L’une des rares…elle chassa cette pensée qui la renvoyait à de tristes calculs. Depuis toute petite elle avait détesté les soustractions. Mademoiselle entrepris l’ascension de l’escalier et sentit sa douleur se réveiller. Il n’y avait rien à faire, si ce n’est penser à autre chose. Elle commença son rituel : les cinq premières marches en pensant à sa mère, les cinq suivantes pour son amie Michèle, avec qui elle avait tant voyagé et la dernière marche pour elle. Et c’est ainsi qu’elle arriva à l’étage de Malick, le plus discret des locataires. En discutant avec l’assistant social qui venait de temps en temps le voir, Mademoiselle avait appris un nouveau mot : MNA ou mineur non accompagné. Elle n’avait pas compris tout ce que le mot signifiait en termes de règlements, mais elle avait retenu l’essentiel : Malick était seul, ici. La clé était dans la serrure, le garçon avait dû l’oublier. Mademoiselle fit ce qu’elle n’avait jamais fait de sa vie : elle entra sans sonner. Aussitôt dans l’appartement elle eut froid. Sur la table de la cuisine un petit paquet et une feuille de papier avec ces mots : I move. C’est trop long. Merci pour tout. Dans le paquet un gros caillou. Mademoiselle le reconnut tout de suite : c’était une rose des sables : le cadeau de Malick.
Dernier ouvrage paru : Elisabeth Hoeter, une leçon d’espérance. Editions Alphil 2022