Figure emblématique du hockey français, Philippe Bozon a été en 1996 l’un des grands artisans de la folle épopée du HCC. Pour la star française arrivée de NHL, un titre et une promotion teintée d’amertume.
26 mars 1996. Le HCC s’impose 4 à 3 face à Grasshopper et réintègre l’élite du hockey suisse seize ans après l’avoir quittée. Scènes de liesse jusqu’au bout de la nuit. Concerts de klaxon sur le Pod. Le souffle de l’histoire et l’ivresse des grands soirs. Dans la solitude du vestiaire, l’amertume d’un grand joueur. Débarqué en début de saison aux Mélèzes en provenance de la prestigieuse ligue nord-américaine de NHL, Philippe Bozon a le triomphe triste et modeste.
S’il ne poursuivra pas l’aventure avec le HCC et son génial complice de jeu – Valery Shirajev, le génial tsar ukrainien formé à l’école du CSKA Moscou – le prodige du hockey français s’est imposé par son immense talent mais aussi comme un exemple de loyauté et de professionnalisme. C’est une certitude profonde pour le natif de Chamonix, pris dans la tourmente d’une saga médiatique qui éclate en plein barrage de promotion-relégation. Le tabloïd romand Le Matin annonce en Une que Philippe Bozon quitte le HCC et s’engage pour la saison prochaine chez le grand rival lausannois. Séisme dans le monde du hockey romand. Les supporters du HCC crient à la trahison et dénoncent une manœuvre de déstabilisation des dirigeants lausannois – qui luttent alors pour le maintien de leur club en LNA.
La pratique est devenue courante. Débaucher les meilleurs éléments de son adversaire à renfort de contrats mirobolants. Interrogé sur le plateau de la TSR, Marc Monnat, le charismatique président du HCC, calme le jeu et assure ne pas douter du professionnalisme de son mercenaire français.
Philippe Bozon en apporte la cinglante confirmation deux jours plus tard lors d’un match de légende joué à guichet fermé à La Chaux-de-Fonds. Hué par certains supporters à l’entame d’une rencontre décisive face à Lausanne, le prodige de Chamonix signe un match phénoménal (trois buts et trois assists). Intenable, il livre un récital de hockey qui va rester ancré dans les annales.
Au terme d’un match fou qui acte la relégation de son futur club et le condamne lui-même à évoluer une saison supplémentaire en deuxième division, il dira : « Je l’ai fait pour l’équipe, pas pour moi. Tout ce qui a été dit sur moi ces derniers jours m’a fait très mal. J’ai toujours dit que je me battrai jusqu’au bout pour que le HCC monte en LNA. » Promesse honorée le 26 mars au soir dans la banlieue zurichoise. Une leçon de vie et de grand professionnalisme ancrée à tout jamais dans le parcours exemplaire de ce joueur de légende devenu sélectionneur de l’équipe nationale de France. Philippe Bozon ou le souffle de l’histoire. La tentation de succomber au rêve d’une promotion dans l’élite du hockey suisse.