Chère Emma,
Bien que l’honneur de vous rencontrer ne m’ait jamais été accordé, je me permets, par la présente, de vous faire connaître la profonde et sincère admiration que j’éprouve pour vous. Pas plus tard que la veille, furent évoqués au cours d’un repas la tragique succession d’événements qui ont ponctué votre existence de nombreuses années auparavant. À la fois stupéfait et bouleversé, je n’ai eu de cesse, jusqu’au terme de la réception, de méditer cette lettre que je voulais vous écrire et que je me suis empressé de rédiger une fois rentré chez moi.
Comment ne pas être emporté par un élan de sollicitude pour votre si délicate personne qui n’aspirait qu’à frémir un peu au contact des palpitations de l’existence ? Comment ne pas être animé par un sentiment de révolte en songeant à une jeune enfant qui, ses premiers pas à peine accomplis, se heurte aux murs d’un couvent ? Et à peine sortie, encore blanche de candeur, voilà que l’on vous pousse dans une autre prison : la vie de femme. Permettez-moi de ne pas réprimer le rire qui me monte aux lèvres quand je pense à votre mari – un médecin, me semble-t-il –, qui, au lieu de soigner son épouse, l’a plutôt enfermée dans une épouvantable routine ! Vous, désireuse d’aventure et de liberté, abusée par d’infidèles amants ! Et comment, aimable insensée, ne pas vous reprocher les dettes accumulées !
Quelle folie, Emma, que d’avoir décelé dans la mort réponse à vos souffrances ! Tout comme l’arsenic qui vous a consumée, les larmes me brûlent les yeux, me rongent les joues. Tout cela à cause de simples lectures qui ont permis à l’âme de s’élever vers une sublime rêverie ! Par-delà la mort et le temps, Emma, je vous affirme, encore une fois, ma fervente et triste empathie.
Un admirateur tardif,
F. G.