« Jamais sans mes monnaies »

Justin Paroz

La numismatique, Dorian Malosa Miala en a attrapé le virus. Valeurs sentimentales, longues heures de recherche : le chaux-de-fonnier soigne ses trésors !

« Ce goût de la collection et des objets me vient de ma grand-maman », explique Dorian Malosa Miala. « Elle collectionnait les timbres, les cartes postales et les opercules de crème à café et me les montrait fièrement chaque fois que j’allais lui rendre visite ! »

La philatélie, la cartophilie et l’operculophilie ne l’ont toutefois pas convaincu. Le Chaux-de-Fonnier se tourne alors vers la billetophilie, puis deux ans plus tard, vers l’étude de la monnaie. « Depuis longtemps, j’aime déambuler dans les brocantes, aller chiner pour découvrir des objets anciens qui racontent une histoire. Dans ma famille, on essaie aussi de favoriser la récupération plutôt que l’achat d’objets neufs. Ainsi, j’ai découvert le monde de la numismatique.»

C’est justement ce côté historique qui l’intéresse. « Les monnaies peuvent avoir une certaine valeur refuge – une épargne, notamment avec des monnaies contenant un certain grammage d’or, comme les Krugerrand d’Afrique du Sud – ou émotionnelle, en lien avec nos origines ou avec un beau graphisme. Certains en font un business en achetant pour revendre. Le vrai collectionneur, lui, achète pour garder », note-t-il.

Sa maman, Suissesse, et son papa, Congolais, il a réuni quelques monnaies en lien avec ces deux pays : des likuta et makuta, des batz et kreuzer, des francs, … « Elles ont une valeur symbolique à mes yeux. Mais je ne peux pas tout collectionner. Il faut faire des choix ! Certaines personnes peuvent développer une dépendance, ou un trouble d’accumulation compulsive. » Certaines monnaies, comme celles de 1850 (les premières de la Confédération), si elles sont en bon état, peuvent valoir jusqu’à plusieurs milliers de francs aujourd’hui. « L’année de frappe, la quantité produite, l’authenticité – car des faux existent ! – et l’état de la pièce (en général, de beau à flan bruni), notamment, permettent de définir leur valeur. »

Il y a aussi tout un monde marketing. Swissmint, l’entreprise s’occupant de frapper la monnaie helvétique, sort régulièrement de nouvelles monnaies spéciales. La dernière création, sortie en mars 2023, et à l’effigie du télécabine Klein Matterhorn, est la première monnaie d’une trilogie consacrée aux téléphériques suisses.

Fétichiste ? Il accepte le qualificatif. « Il y a un aspect un peu mystique. Les contempler, les tenir dans ma main, tout cela me procure un grand plaisir. » Mais pour la conservation, certaines monnaies sont dans des emballages pour ne pas être détériorées. « Parfois, ça me démange de ne pas pouvoir les toucher. Certains les mettent dans un safe, par exemple à la banque. Cependant, ne pas pouvoir les sortir quand on le veut, et les savoir loin de soi, peut contrarier. Des numismates prennent leurs pièces partout où ils vont… je n’en suis quand même pas là ! », rigole-t-il. « Les recherches peuvent durer longtemps pour trouver certains exemplaires. Il m’arrive de devoir mettre un pécule de côté durant plusieurs mois pour acquérir une monnaie. Quand j’arrive enfin à constituer une série complète, c’est quand même une grande satisfaction. »

 

Une thèse de Master

Un tel intérêt, qu’il a même décidé, il y a quelques années, d’en faire le sujet de sa thèse de Master : Être collectionneur-euse de monnaies : l’attribution de valeur en numismatique. « Mes recherches vont bien au-delà du collectionnisme ! Quel(s) rapport(s) entretient-on avec la monnaie ? Quelle place accorde-t-on à la notion de ʻvaleurʼ ? … Ce sont des questions de société qui nous touchent tous. Aujourd’hui, avec les cartes de crédit, on perd de plus en plus ce lien physique avec les objets (les monnaies et billets dans son portefeuille), petit-à-petit, avec cette dématérialisation de la monnaie, on a tendance à perdre cette notion de valeur. »

Paradoxalement, brocantes, foires, bourses, salons et marchés sont souvent dépeints comme des lieux accueillant des objets de peu de valeur. « Ma thèse montre qu’il n’en est rien : à travers la collection, ces objets peuvent (re)devenir des objets de valeur. La preuve : tout comme les monnaies, les cassettes, VHS, timbres et opercules de crème à café ont toujours leurs adeptes. »

Et vous, vous collectionnez quoi ?

Dorian Malosa Miala soigne ses monnaies. Ici, de Suisse, ci-dessous, du Congo. (Photo : jpz)
Dorian Malosa Miala soigne ses monnaies. Ici, de Suisse, ci-dessous, du Congo. (Photo : jpz)

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