Quoi de plus enivrant que les saveurs d’un mets alléchant, qui vous font saliver, et dont les parfums envahissent l’appartement, se faufilent par une fenêtre ouverte ou dégringolent dans les communs ? Je précise « alléchant », les odeurs de vieille friture agressant, elles, votre nez, qu’il se présente en trompette, en patate ou à la grecque.
De tout temps, j’ai redouté les fins d’un repas concocté avec amour, la dernière fourchettée signant la suspension de la volupté en bouche. Des années de regrets, et savoir que cette douloureuse expérience se reproduira jusqu’à ce que mort s’ensuive nous froissait, mes papilles gustatives et moi.
Et pourtant, j’avais la solution sous les yeux depuis des décennies. Vivant avec des chats, je m’amusais de leur manière de se lécher les babines après un gueuleton spécial félins, poisson pêché comme le faisait, habile, ma noire Bergame, steak piqué au frigo par le talentueux Basquiat, le siamois, pas le peintre.
A force de les observer, j’ai compris que la sagesse animale avait tant de choses à nous apprendre. A la suite d’un repas haut de gamme partagé avec des amis dans un restau chicos, je me suis dit : pense au chat qui fait durer le plaisir… et hop, de me lécher les babines, pardon les lèvres. Miracle… les poilus ont tout compris : se lécher encore et encore, et les divins arômes de se répandre sur la langue…
C’est alors que j’ai entrevu dans l’attitude médusée de mes compagnons de tablée que quelque chose dans mon compartiment jouissif les froissait. Mais comme je suis de l’année du chat en astrologie vietnamienne…
Dernière parution : Dernier concert à Pripyat, L’Age d’Homme Editeur
Prochaine parution : La Chambre noire, Favre Editeur, cet automne