Mort d’un cimetière

Vincent Kohler

Les cimetières aussi peuvent mourir.

– Tu viens à l’enterrement du cimetière des Eplatures ?

– Il est mort ?

– Ouais. Y avait plus âme qui vive.

Les cimetières meurent. Eux aussi. C’est la vie. Mais ils renaissent ! Gardons espoir. C’est prouvé, c’est scientifique, mathématique, bucolique, archaïque, pandémique et poétique ! Ils renaissent de leurs cendres ! Voilà qui me soulage d’un questionnement existentiel angoissant : y a-t-il un cimetière après la mort ? Et bien oui ! Un disparait, un autre apparait. Faut-il alors encore trouver une sépulture pour ce défunt cimetière. Un cimetière où d’autres cimetières reposent. Sur la tombe desquels des cimetières encore vivants viennent se recueillir. Sur une tombe avec comme épitaphe « Ici repose un cimetière. Il termina sa vie terrassé par un Trax alors que sa devise fût d’accueillir des gens à la pelle. » Selon St-Mat.

A ceux qui se posent cette lancinante question : oui, on peut mourir deux fois ou plus à condition d’avoir la carte cumulus. On vous l’a pourtant déjà dit ! « Gérard, tu es mort depuis 1895, plus personne ne te connaît, tu n’avais déjà aucun intérêt à l’époque, vas jouer ailleurs. Du balai ! »

Faut-il être mort pour exister enfin ? C’est ce qu’on souhaite aux défunts oubliés qui n’auront jamais reçu de leur vivant autant de compassions, de devoirs de mémoire, de larmes sèches, de prières molles, de bouquets de fleurs en plastique parce que c’est plus simple et de toute façon y aura bientôt plus d’eau.

Comme quoi, chers amis, c’est quand on est mort qu’on a le plus de valeur dans cette société qui n’en a plus. Les Arapahos, les Indiens des hautes plaines, les esclaves entravés, les charniers oubliés, les cyclistes sacrifiés, les enfants battus, les œufs battus, les gendarmes couchés, les soldats inconnus (et combien il y en a qui mériteraient d’être connus davantage) n’ont ni fleurs ni mausolée, ni granit gravé, ni calcaire poncé, ni couleurs de peaux sur les os, ni musées poncifs, ni d’hirondelles printanières ; ils reposent juste là, à même la terre. Il y en a tant de ces cimetières inconnus qui abritent des soldats du même nom.

« J’irai cracher sur vos bombes », aurait dit Boris dans un dernier souffle.

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