Les mains de nos aïeuls

Néel de Velhac
Membre du collectif Les Plumes Nomades

Ma mémé me dit toujours de prendre soin de mes souliers. Jeune fille, elle travaillait dans une ferme chaux-de-fonnière et portait des godillots. Lorsqu’elle voyait quelqu’un de la ville arriver à la ferme, elle savait jauger la profession du porteur rien qu’à ses souliers.

Ma mère, elle, accorde un soin particulier à ses cheveux, d’un noir de jais qui avec les ans se parsème de fils d’argent. Pour elle, il est crucial qu’une femme entretienne ses cheveux.

Moi, je suis obsédée par les mains. Si j’observe mes mains, elles ne traduisent rien. Oh, juste un peu d’anxiété qui se lit, à force de ronger mes ongles. Elles ne me trahissent pas, pas encore. D’après les femmes de mon clan, j’ai des mains qui n’ont jamais travaillé. Elles ne sont pas marquées du labeur. Je les protège, je les crème, je les peins pour leur donner un peu d’audace. Quelques rares cicatrices racontent des accidents de la vie. L’empreinte la plus visible est celle de ma plume incrustée entre mes doigts. Ma mémé dirait « Ce sont des mains qui ne travaillent pas ».

Mais, quand j’y réfléchis, ce ne sont pas mes mains qui relatent une histoire. Ce sont celles d’autres qui m’ont nourrie et corrigée. Je me souviens des mains de mon père, quand enfant, j’y glissais la mienne pour le suivre. Des paluches de maçon ! Gigantesques, abimées, séchées, fendues, rugueuses… elles n’étaient pas belles, ses mains, elles lui ressemblaient, elles étaient lui. Surtout, lorsqu’elles rendaient et appliquaient sa justice.

À l’inverse, mes mains sont entretenues, ouvertes et toujours tendues aux autres, enfin je le crois. J’espère qu’elles ne se refermeront jamais… ces mains.

 

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