Un livre d’horreur pour donner le goût de la lecture
La porte m’accueille avec des images de revenants. J’entre, un peu impressionnée, dans cette classe du collège Jehan-Droz. Enfant, je souffrais de phobie scolaire. J’en garde encore des séquelles : la vue d’une école me fait froid dans le dos.
Des préadolescents au parcours scolaire atypique m’attendent sagement assis. Rajah, Ivan, Alexis, Emma et Emma, Dylan, Eli, Isaque, Nexhat, Jade, Timothy, Keyan, Luca et Yannis me reçoivent avec des dessins de fantômes au tableau. Des mots de bienvenue décorent le papier d’emballage qui recouvre une table. Ils m’invitent à me désaltérer et à grignoter du pop-corn. C’est la fête !
Je me détends. Les élèves aussi. D’habitude, ils n’aiment pas lire, mais depuis la rentrée ils sont subjugués par le livre Hantise au Locle, d’Olivia Gerig (Le Ô du 25 août). Publiée par les éditions Auzou, cette histoire de fantôme et de possession se déroule dans des endroits familiers : le Remontoir, la librairie, l’ancienne villa Georges-Perrenoud.
Certains élèves se sont même approchés de nuit de cette maison pour essayer de retrouver les éléments du livre. Leurs enseignants, Laurentina Moura et Lucien Vuille, les ont soutenus dans cette lecture parfois rugueuse, qui aborde la mort, la souffrance psychique et le suicide.
Une base pour parler de ces thèmes difficiles avec des jeunes dont les yeux se sont déjà ouverts sur les maltraitances infligées par la vie.
Je commence l’interview. Leurs opinions sont enthousiastes et pleines de bon sens, leurs questions pertinentes. Ils ont aimé l’histoire, et adoré les illustrations de la talentueuse Ramona Bruno.
Timothy me fait une belle analyse des dessins et du texte qu’il trouve très complets, et m’avoue que ça lui donne envie de lire davantage. Jade s’étonne que l’on aborde des sujets aussi impressionnants que le suicide dans un livre jeunesse. À l’inverse Keyan aurait préféré que cela ressemble davantage à l’Exorciste et que le prochain ouvrage soit plus horrifique. Eli me bombarde de questions auxquelles seule l’autrice pourrait répondre. Emma raconte ses ressentis d’une voix douce et j’apprends que c’est Yannis qui a dessiné au tableau. Pour Alexis, cet ouvrage donne envie d’écrire.
La question qui les intrigue tous : « C’est vrai ce que raconte le livre ? » J’explique que les écrivain-e-s inventent souvent à partir de faits réels. Une seule chose leur a déplu : que les jeunes protagonistes de l’histoire, des Genevois, prétendent que Le Locle est une ville déserte, sans ambiance et avec des magasins vides. « Quand on va quelque part, à la Migros par exemple, il y a toujours plein de gens. »
Quand je leur demande s’ils aiment vivre au Locle, ils me répondent tous d’un OUIIIIIIIII unanime. Ils aiment leur ville, et l’expriment haut, fort et joyeusement. Je quitte la classe un peu à regret. Peut-être aurai-je moins peur de l’école à l’avenir. Qui sait…
Hantise au Locle, Olivia Gerig, éd. Auzou 2023