Quand deux Chaux-de-Fonniers bon teint se prennent de passion pour la navigation, il arrive qu’ils construisent eux-mêmes leurs embarcations. Embarquement immédiat !
Anne et Fabien Vuillème-Laesser n’ont pas attrapé la grosse tête après avoir fabriqué Aurore sur laquelle ils sont partis en voyage sur lac et sur mer. Ils ont même hésité à parler de cette aventure à la presse. Pour eux, leurs activités marines semblent normales, pas de quoi en faire un fromage !
Et pourtant, comment ce couple de vrais Chauxois avec trois enfants s’est-il intéressé au cabotage ? « Quand j’étais gosse, raconte Fabien, j’enviais les enfants en Bretagne, où j’étais en vacances, qui pouvaient naviguer. Mes parents n’avaient pas le budget pour un tel luxe. Et un jour à l’école, j’ai pu m’inscrire dans un camp qui se déroulait sur le lac de Neuchâtel. » Hop, le virus prit place dans la tête du gamin. Pour Anne, l’histoire est similaire : « J’avais l’amour de l’eau, j’ai pu faire du kayak grâce à un cours organisé par Macolin ».
Certes, mais de là à construire sa propre embarcation…
Si aujourd’hui, il a changé de profession, Fabien est néanmoins au bénéfice d’une formation de menuisier. Il a d’abord été technicien en menuiserie avant d’être engagé comme secrétaire syndical. Mais l’envie de travailler le bois est restée intacte, et « j’ai peu à peu pensé à réaliser autre chose que des jouets pour les gosses ».
Le destin leur a filé un coup de pouce : « On a croisé un couple passionné de voile-aviron (pas de moteur) en Bretagne, nous avons navigué avec eux. » Le bonheur pour ces deux amoureux de l’eau.
Aurore en chantier
Dès le début de ce siècle, le couple décide de passer à la réalisation complète de son rêve. Ainsi va naître Aurore, une coque de 5m40 sur 1,70m. Et c’est ici que la profession de Fabien se révèle utile. « Nous avons suivi une procédure de construction pour très bons bricoleurs », précise-t-il en souriant à ces bons souvenirs. Toute la famille oeuvre d’ailleurs au projet : « Les enfants étaient mis à contribution, précise Anne, avec leurs petites mains, c’était très pratique pour certaines opérations délicates. Ils n’étaient pas peu fiers de leur participation! » Aurore sera mise à l’eau en 2004. Le confort est spartiate, une bâche permet de dormir protégés en cas de pluie : « On était surtout dérangés la nuit par la lumière des ports », souligne Fabien, mais leur passion n’est pas entamée. Mieux : leur fille Camille a entrepris une formation de constructrice de bateau. La navigation, c’est dans l’ADN familial. Ils sont si enthousiastes qu’en 2017, ils s’offrent une aventure de douze jours en Dalmatie, arborant les pavillons suisse et croate. Le couple Vuillème-Laesser en a rapporté des images qui scintillent dans leur mémoire, la rencontre des gens, des animaux marins – ils verront même des dauphins en Bretagne –, et ils maîtrisent comme des pros les vents capricieux entre les îles.
C’est qu’il ne suffit pas de construire son esquif, encore faut-il maîtriser la météo, les vents, la navigation de nuit, la lecture du plan d’eau, l’approche des côtes. « C’est très différent d’évoluer sur lac et sur mer », affirme Anne.
En mai dernier, Aurore a été abordée par un conducteur imprudent. Dès lors, elle doit être réparée. Abritée à Auvernier, elle recevra des soins, et en attendant, les Vuillème-
Laesser naviguent sur Cagaya (du nom contracté des enfants: Camille, Gaël, Yannick), qui leur a pris deux ans de construction, contre une année pour Aurore. Cagaya est plus confortable et plus grande, soit 6m sur 2,30m, avec cabine. « Nous avons acheté un plan à un architecte de bateau, le Français François Vivier. Testé sur le Léman et le lac de Neuchâtel, Cagaya est impatiente (les bateaux sont de nature féminine !) de voguer en mer. Projets : la Manche, les côtes bretonnes, la Méditerranée, l’Adriatique.
Pour qui n’a pas le pied marin, le récit d’Anne et Fabien émerveille et avive des envies d’épopé
es entre ciel et houles. Avouez-le !