Surfaces et ensoleillement permettraient les 10 gWh imposés par la Confédération dans le cadre de Solar Express. Mais le temps presse !
« Sur nos monts quand le soleil annonce un brillant réveil… » Le cantique suisse semble avoir été écrit pour la Société Mont-Soleil. En mai 2023, elle lançait un projet pilote unique au monde permettant de comparer les panneaux solaires disponibles sur le marché. Elle veut aussi construire une centrale solaire géante qui multiplierait par vingt la production d’électricité sur le site. Un projet qui s’inscrit dans la grande offensive solaire de la Confédération, connue sous le nom de Solar Express. La centrale actuelle fonctionne en grande partie avec les modules photovoltaïques d’origine. En trente ans, ils n’ont perdu que 8 % de leur capacité, se réjouit Cédric Zbinden, président de la société Mont-Soleil et directeur des Forces électriques de la Goule, qui distribuent le courant sur le vallon de Saint-Imier, les Franches-Montagnes et les Brenets. Il a ouvert ses portes au journal Le Ô.
– Après trente ans la centrale solaire tourne encore quasi à plein régime ?
– Oui, et c’est phénoménal alors que les panneaux étaient garantis quinze ans. Elle produit environ 0,6 GWh, soit la consommation de cent trente ménages.
– Unique au monde, pourquoi ?
– C’est un projet pilote pour faire un benchmark, une analyse comparative. Une sorte de laboratoire à ciel ouvert où l’on teste les panneaux solaires de manière neutre et indépendante. On regarde si les promesses du fabricant sont tenues, le rendement, la longévité, les conditions dans lesquelles ils sont produits…
– Vous recevez les infos ?
– Les Européens répondent en général. Par contre les Chinois, c’est no comment !
– Vous faites un peu le À Bon Entendeur du panneau solaire ?
– Exact. On travaille notamment avec la Haute École spécialisée de Berne, la BFH à Berthoud.
– Les résultats ?
– Techniquement, c’est assez bon, mais après six mois nous n’avons pas encore un recul suffisant. Généralement, les défauts sont constatés après plus d’une année d’exploitation. Fin 2024, en fonction de l’intérêt que suscite ce projet pilote, nous devrons décider s’il va s’étendre sur une partie de la centrale existante ou s’arrêter.
Un mégaprojet Solar Express
– Pourquoi cette mégacentrale?
– Il faut se rappeler du contexte. Les risques de pénurie ont mis en évidence notre dépendance vis-à-vis de l’étranger, l’Ukraine et la Russie, le nucléaire français. En Suisse, nous avons un souci pendant l’hiver car notre production d’électricité ne suffit pas. Pour assurer une plus grande autonomie, le Conseil fédéral et le parlement ont sorti le droit d’urgence, la procédure Solar Express.
– Pourquoi la priorité au solaire ?
– Parce que sur une période aussi courte c’est la meilleure solution. L’éolien prend trop de temps. L’hydraulique aussi. D’où l’idée des grandes centrales solaires en altitude, où l’ensoleillement est plus important, et qu’on peut optimiser grâce à des panneaux installés quasi à la verticale. Le projet de Mont-Soleil a les surfaces et l’ensoleillement nécessaires pour atteindre les 10 GWh imposés par la Confédération.
– Sur quelle surface ?
– Entre 10 et 12 hectares. C’est dix fois plus que la surface de la centrale actuelle.
– La loi Solar Express met la pression ?
– On est dans le droit d’urgence. Pour en profiter ça doit se faire dans les quatre ans, et 10 % de la production doit déjà être injectée fin 2025.
– C’est possible ?
– Oui, mais ça dépendra de l’acceptation par la population.
– En décembre, deux des trois propriétaires mettant leur terrain à disposition se sont retirés. Projet compromis ?
– Ça nous oblige à repartir de zéro sur le plan institutionnel. On travaille sur une variante améliorée sur le terrain de la bourgeoisie de Saint-Imier, qui est le propriétaire restant.
– Avec quel impact sur le paysage ?
– On est dans des structures assez hautes. On prévoit de laisser un espace libre jusqu’à 2,5 m de hauteur, qui permettra l’estivage des génisses. Les panneaux pourront monter jusqu’à 7 m de haut, l’équivalent d’un immeuble de deux étages. Ça peut susciter des oppositions ! Oui, mais on répond à une demande de la Confédération.
– Le coût ?
– L’investissement, entre 20 et 25 millions, serait subventionné par la Confédération à hauteur de 40 à 60 % selon le type de projet.
– 10 GWh, ça approvisionne combien de ménages ?
– Deux mille deux cents ménages, mais surtout ça assure la production hivernale.
– Solar Express, ça donne un air de précipitation ?
– Peut-être, mais il faut y voir aussi notre résilience, notre capacité à répondre à un problème urgent. Réaliser tout ça dans un délai de quatre ans, c’est quand même sportif ! On marche sur des œufs car on ne maîtrise pas tous les paramètres, par exemple les délais de livraison. Le risque entrepreneurial est relativement important.
– C’est rock & roll ?
– Oui, on peut le dire !