Quand le fumier vaut de l’or

Patrick Fischer

Agriteos, le projet de grande centrale de biogaz à La Chaux-de-Fonds avance. Mise en service fin 2025 si tout va bien.

Sortir des énergies fossiles ne passe pas seulement par le soleil et le vent mais aussi par le fumier ! La plus grande centrale de biogaz agricole du pays devrait sortir de terre à La Chaux-de-Fonds. Agriteos, c’est son nom, est un projet à 14 millions de francs. Il prévoit de transformer le fumier et le lisier d’une quarantaine d’agriculteurs ainsi qu’une partie des déchets verts de la ville en biogaz. En Suisse, on produit du biogaz depuis une vingtaine d’années, notamment dans le canton de Neuchâtel avec déjà trois installations agricoles. La guerre en Ukraine et les problèmes de livraison du gaz russe renforcent la pertinence de projets à grande échelle comme celui-ci.

L’emplacement prévu se trouve à la sortie nord de la ville, à proximité de la carrière Brechbühler. Agriteos est en attente du permis de construire. Mise en service agendée pour fin 2025, s’il n’y a pas de retard ou d’oppositions, raison pour laquelle la population a été conviée à une séance d’information le 15 février dernier.

Qui est derrière ce projet ? L’idée a germé il y a une dizaine d’années chez les agriculteurs chaux-de-fonniers. Les discussions se sont poursuivies avec la Chambre neuchâteloise d’agriculture et de viticulture et d’autres partenaires. Viteos, qui gère le réseau gaz naturel, est ensuite entré dans la boucle pour piloter l’opération. Le chef de projet Arnaud Michaud explique les enjeux aux lecteurs du Ô.

– Le biogaz, du gaz naturel ?
– Ce sont les mêmes molécules de méthane, mais le gaz naturel est d’origine fossile alors que le biogaz est renouvelable.

– La part du biogaz en Suisse ?
– Pas plus de 2%. Les objectifs de la branche gazière définis par l’ASIG, l’Association suisse de l’industrie gazière, et la Confédération, c’est d’avoir exclusivement du gaz renouvelable dans le    réseau d’ici à 2050.

– Y a du boulot. On en est encore loin !
– Oui, y a du boulot… et on ne pourra pas produire tout le biogaz en Suisse. Il faudra en importer.

– Le biogaz est-il l’oublié de la transition énergétique, par rapport au solaire et à l’éolien ?
– Je pense en effet qu’il a été oublié. Mais c’est en train de changer, grâce à l’ASIG. Les subventions, encore minces, devraient sensiblement augmenter dès 2025.

– Le biogaz parent pauvre alors que l’infrastructure existe ?
– Oui, on peut facilement verdir le réseau en injectant du biogaz à la place du gaz naturel.

– Les avantages du biogaz ?
– Avant tout, c’est une énergie renouvelable et régionale. Avec des émissions à effet de serre qui sont neutres. Cela permet aussi de valoriser une matière a priori peu noble comme les substrats agricoles et les déchets verts. Et ça génère une source de revenu complémentaire pour les agriculteurs.

– Et pourtant la fermentation de la biomasse pour obtenir du biogaz émet 40% de CO2 !
– Oui, mais le CO2 renvoyé dans l’atmosphère correspond au CO2 capté par la biomasse, notamment les herbages qui sont utilisés comme matière première. Techniquement il y aurait la possibilité de capter le CO2 émis. Ce n’est pas prévu dans le projet initial car les investissements sont importants mais on peut l’envisager comme étape ultérieure. A noter que dès la mise en service d’Agriteos, il sera possible de réduire d’environ 9’000 tonnes équivalent CO2 par année d’exploitation.

– Les inconvénients ? ça pue ?
– Il faut rassurer la population. Le lisier n’est pas un problème, car il se trouve dans des cuves hermétiques. Le fumier, lui, sera stocké dans une halle fermée aux trois quarts. Sa manipulation et la quantité sur le site seront limitées au strict nécessaire pour éviter les odeurs. Et le projet se situe loin des zones résidentielles.

– Ça coûte cher à produire ?
– Le prix du kilowattheure est légèrement supérieur que le gaz d’origine fossile, mais il reste compétitif par rapport aux autres énergies renouvelables.

– Quid du rendement ?
– Avec un projet comme Agriteos, on devrait produire 14 GWh/an en consommant environ 2,5 GWh en électricité et en chaleur. C’est un bon ratio.

– Comment ça marche ?
– Entre les exploitations agricoles et la ville, ce sont 51’0000 tonnes de substrat (fumier, lisier, déchets verts) qui seront traités par année. Cette biomasse va être chauffée pour produire le biogaz. Ce qui reste à la fin du processus est valorisé à son tour sous forme de digestat, qui repartira par camion chez les agriculteurs comme engrais naturel de haute qualité. Il a l’avantage d’être plus facile à épandre, plus fertilisant et beaucoup moins odorant que le lisier classique. Le projet Agriteos a donc un double avantage, à la fois énergétique et agricole.

– L’usine produira du gaz ou de l’électricité ?
– Sur site on produira du gaz, qui sera mis aux caractéristiques du gaz naturel et injecté dans le réseau. Ensuite le client en fera ce qu’il veut, de la chaleur ou de l’électricité. Si on veut utiliser tout le potentiel du biogaz, le plus efficient est de faire de la haute température pour l’industrie.

– Le TF a fait capoter des projets. Le biogaz suscite des oppositions comme les projets solaires ou éoliens ?
– Ces projets sont souvent en zone agricole ou à proximité de zones protégées ce qui rend la cohabitation difficile. Avec Agriteos, on est en zone spéciale, ni agricole ni industrielle, ce qui facilite les choses.

– Il y a aussi l’impact pour les riverains !
– L’impact a été jugé faible, conclusion du rapport d’impact sur l’environnement, un document de 300 pages. De plus l’esthétique du projet a été soignée pour favoriser son intégration architecturale et paysagère.

Selon Greenpeace la pollution engendrée par les animaux est plus importante que les avantages…
Ce que je peux dire : Le fumier ou le lisier qui reste à la ferme dégage du méthane, qui est 20 à 30 fois plus nocif que s’il est récupéré sous forme d’énergie renouvelable. A noter que l’office fédéral de l’environnement distribue des subventions aux installations de méthanisation agricole du pays, donc on voit bien la pertinence de capter le méthane.

Le projet sera débattu le 6 mars prochain au Conseil général.

Un chef de projet soucieux de l’avenir de la planète

Avant de rejoindre Viteos, Arnaud Michaud a suivi une formation de mécanicien automobile, puis un diplôme d’ingénieur en génie mécanique à la HES du Locle.
Comment est-il tombé dans le biogaz ? « J’ai toujours eu un grand intérêt pour l’agriculture et pour l’énergie. Le projet Agriteos me permet de concilier les deux ». L’avenir de la planète l’inquiète tout de même un peu : « C’est pour cela que je viens à vélo au travail », sourit-il.

 

Le chef de projet Arnaud Michaud
(photo PF)

 

Les chiffres clé d’une centrale à 14 GWh

La société Agriteos SA est détenue à 51 % par les agriculteurs et 49% par Viteos.

Au total, ce sont 46 agriculteurs qui fourniront les intrants : 39’000 tonnes de lisier et 9000 tonnes de fumier par année.

Les déchets verts représenteront 2500 tonnes.

Le processus de fabrication consiste à produire 60% de méthane, le biogaz, et 40% de CO2.

Production d’énergie attendue : 14 GWh par an, ce qui correspond aux besoins de 1400 ménages.

 

 

Agriteos : Le projet se veut parfaitement intégré au paysage (image de synthèse – dr)
Agriteos : Le projet se veut parfaitement intégré au paysage (image de synthèse – dr)

Un chef de projet soucieux de l’avenir de la planète

Avant de rejoindre Viteos, Arnaud Michaud a suivi une formation de mécanicien automobile, puis un diplôme d’ingénieur en génie mécanique à la HES du Locle.
Comment est-il tombé dans le biogaz ? « J’ai toujours eu un grand intérêt pour l’agriculture et pour l’énergie. Le projet Agriteos me permet de concilier les deux ». L’avenir de la planète l’inquiète tout de même un peu : « C’est pour cela que je viens à vélo au travail », sourit-il.

 

Le chef de projet Arnaud Michaud
(photo PF)

 

Les chiffres clé d’une centrale à 14 GWh

La société Agriteos SA est détenue à 51 % par les agriculteurs et 49% par Viteos.

Au total, ce sont 46 agriculteurs qui fourniront les intrants : 39’000 tonnes de lisier et 9000 tonnes de fumier par année.

Les déchets verts représenteront 2500 tonnes.

Le processus de fabrication consiste à produire 60% de méthane, le biogaz, et 40% de CO2.

Production d’énergie attendue : 14 GWh par an, ce qui correspond aux besoins de 1400 ménages.

 

 

Découvrez nos autres articles

Alexandre Balmer : « Je cours pour ma ville » Le cycliste chaux-de-fonnier sera sur la ligne de départ de la corrida de sa ville ce samedi.