« Si j’ai le blues ? Pas pour le moment. Peut-être demain… » Dimanche dernier, René Papin a pour la dernière fois servi à ceux de ses clients qui avaient réservé un gueuleton digne d’un banquet. Ils n’ont pas eu tort, les clients. Pour cette « der » de l’Abeille, fondue chinoise à gogo, bonnes bouteilles millésimées sorties de la cave. Et offertes ! Au dessert, deux omelettes norvégiennes (qui n’ont d’omelette que le nom), glacées et flambées. Maousses. Il y a fort à parier que très peu de convives ont soupé le soir…
L’ambiance dans le bistrot, populaire et unique, était à la fête. Même si c’est un peu forcé et contraint que « Papin » rend son tablier, à 75 ans, après quarante-deux ans de service : le nouveau propriétaire de l’immeuble veut créer des appartements. Le cuisinier a fait son deuil. Pas forcément l’équipe de choc et de charme qui l’a secondé, pendant toutes ces années, trente-neuf ans pour Christine. « L’important, c’est la compétence et le plaisir de bien servir », dit Papin qui tire son chapeau à ses aides.
René Papin va s’en retourner dans ses terres natales, à Mulsanne, tout près du Mans. C’est là qu’en 1970 Steve McQueen a fait du jeune cuistot son cuisinier personnel pendant le tournage du film Le Mans. Un cuistot si doué que la femme de Steve McQueen l’a ensuite recommandé à un palace suisse. Pourquoi La Tchaux ensuite ? L’amour…
L’Abeille, sûr qu’on va la regretter. Et dans l’histoire culinaire de la cité, on continuera à se demander comment diable « le Papin » a fait pour préparer, dans sa toute petite cuisine, les huit ou dix plats du jour riches et savoureux à midi, des rognons au tartare en passant par les moules, plus les menus du soir et la chasse somptueuse en automne. Et si bon marché ! Le mystère restera éternel.
L’Abeille liquide encore son fonds de commerce, en principe jusqu’avant Pâques.