Jérôme Baratelli, habitant la rue, rêve de la voir retrouver le charme de ses origines, vers 1840. «C’est possible », assure-t-il après examen de la situation
Petit déjà, Jérôme se demandait pourquoi sa rue portait le nom de la Promenade, alors qu’il n’y voyait qu’une tranchée gris sombre, sans arbres ni commerces, et où personne ne se promenait, à part quelques voitures. C’est qu’à l’origine elle avait été conçue comme lieu de détente, plutôt pour la bourgeoisie chaux-de-fonnière (les prolétaires se retrouvant dans le quartier du 1er-Mars ).
C’est le propriétaire de l’immeuble No 1, Henri-Louis Jacot, qui, dès les années 1830, a conçu un projet urbanistique particulièrement original. Il a décidé de mettre en vente les vastes terrains qu’il possédait au sud (des champs, jardins et greniers), à condition que les acquéreurs respectent le règlement qu’il avait établi, via son association, concernant les nouvelles constructions selon un plan général.
1939 : la bagnole à l’origine de la malheureuse tranchée
Ces acquéreurs ont parfaitement joué le jeu. Les maisons qui ont vu le jour ont suivi ce règlement, qui consacrait des principes urbanistiques (largeur, hauteur, type de pierres, trottoirs, arbres). Résultat : en 1840, la rue de la Promenade, plate (un grand escalier permettait de rejoindre le bas de la rue du Grenier), était bordée de maisons élégantes et d’arbres, un ensemble à la fois beau et cohérent où les flâneurs laissaient jouer les enfants.
Si, dès la fin du XIXe siècle, la rue avait progressivement perdu sa fonction d’espace de détente, ce n’est qu’en 1939 que de gros travaux ont été entrepris pour l’abaisser, ce qui obligeait à soutenir les immeubles du bas par des murs de soutènement, contreforts en forme de hauts perrons. Pourquoi ? On a voulu anticiper l’arrivée des voitures : il fallait ouvrir cette rue au trafic en direction de Neuchâtel, pour alléger la rue du Grenier et la rue de l’Hôtel-de-Ville.
Et aujourd’hui ? Le trafic à la rue de la Promenade est à sens unique, il y a seize places de parc sur le côté est, le bus y passe moyennant un tournant laborieux en épingle au bas de la rue du Grenier pour s’y engager. Mais peu de voitures l’empruntent : l’argument du délestage des rues du Grenier et de l’Hôtel-de-Ville ne vaut plus rien. En outre, la Promenade est coupée par la rue du Manège sur laquelle circule le train du Jura, mettant deux écoles (une primaire et une maternelle) au bord d’un carrefour à fort trafic.
Unesco et nouvelle politique
Alors ? Dès son retour de Genève à La Chaux-de-Fonds en 2017 après le décès de son père (le peintre Carlo Baratelli), Jérôme a étudié plans et archives pour arriver à ce constat : « Comme les nouvelles politiques environnementales cherchent à réduire l’accès des voitures au centre-ville, ce serait l’occasion de supprimer le préjudice causé à une rue actuellement peu agréable, en offrant une zone jardin. Circulation, véhicules et bruit disparaîtraient au profit d’un espace de verdure, de la création d’un nouveau poumon, d’un bien commun, tel que conçu par nos concitoyens de 1830. »
En pratique, les voitures passeraient par la rue du Grenier et de l’Hôtel-de-Ville (ce qu’elle font déjà), le bus prendrait également le Grenier (ou ferait un détour par la rue Fritz-Courvoisier pour revenir vers la Promenade par la rue du Manège). La suppression des seize places de parc ne devrait pas poser un problème insoluble. On en profiterait pour mieux protéger du trafic les deux écoles du haut de la rue, comme on l’a fait pour d’autres collèges.
«Ce travail de revalorisation historique correspond au mandat lié au patrimoine mondial de l’Unesco, qui reste un enjeu majeur pour notre ville et sa restauration», conclut Jérôme Baratelli.