Plus de 100 millions sont engagés pour rendre le Haut moins dépendant des énergies fossiles. Le point avec le planificateur en chef, venu… du secteur des hydrocarbures !
Le chauffage à distance va se rapprocher un peu plus de la population. Les grands travaux ont commencé et vont durer une dizaine d’années pour étendre le réseau à de nouveaux quartiers. La Chaux-de-Fonds a été pionnière, première ville à se doter d’un chauffage à distance en Suisse, en 1926. Cent ans plus tard, il est toujours d’actualité pour acter la transition écologique et se libérer des énergies fossiles. Chez Viteos, Jean-Baptiste Clolus est responsable de la planification des développements des réseaux de chaleur. Il fait le point sur ce méga chantier pour les lecteurs du Ô.
– Le projet en deux mots ?
– Le premier mot qui me vient c’est Vadec, l’usine d’incinération des déchets. C’est la principale source de chaleur disponible. Elle est non fossile, c’est la pierre angulaire du développement du chauffage à distance.
– Ça fonctionne comment ?
– La combustion des déchets produit de la vapeur qui est transformée en électricité et en chaleur, qu’on injecte dans le réseau, et qui serait perdue autrement. On appelle cela la chaleur fatale.
– En quoi consisteront les travaux ?
– Côté Vadec, il y a le projet de reconstruction d’une nouvelle usine de valorisation thermique des déchets (UVTD). Et chez Viteos, nous allons développer le réseau ainsi que des centrales d’appoint car l’UVTD ne suffira pas à couvrir tous les besoins. On aura besoin de plus de chaleur.
– On la trouvera où ?
– Sur le littoral, par exemple, on maximise l’utilisation de l’eau du lac, et on peut aussi la trouver dans les stations d’épuration. À La Chaux-de-Fonds c’est différent, on est à la recherche de la chaleur fatale produite par les industries.
– Pourquoi fatale ?
– (Rires) Je ne sais pas. Peut-être parce qu’elle serait perdue, donc morte, si on ne la récupérait pas. Jusqu’à maintenant ce n’était pas une priorité des industriels mais notre collaboration avec eux la met au premier plan.
– Y a-t-il d’autres sources de chaleur ?
Il y a la patinoire des Mélèzes où l’on peut récupérer la chaleur produite par la fabrication de la glace. Et il y a le bois. Quant à l’appoint pour couvrir les pics et assurer la sécurité d’approvisionnement, il sera assuré par les énergies fossiles, gaz et mazout.
– Quelle proportion d’énergie fossile est admise ?
– Aller au-delà de 90 % de renouvelable ne fait actuellement pas de sens car cela engendre des surcoûts considérables. On devrait garder 10 à 15 % d’énergie fossile et envisager de couvrir cette part résiduelle fossile par du renouvelable à horizon 2050 par du biogaz par exemple.
– Le coût de ces travaux géants?
– Au total, c’est un investissement de 316 millions sur dix ans qui est prévu pour les trois villes du canton. Cela fait environ 116 millions pour les Montagnes. Le montant est moins important qu’à Neuchâtel car La Chaux-de-Fonds avait pris de l’avance.
– Et au Locle ?
– Le projet n’est pas encore complètement défini. Pour l’instant l’axe prioritaire c’est d’augmenter la production de la centrale à bois du Technicum et d’étendre le réseau.
– Le projet chaux-de-fonnier s’inscrit donc dans une stratégie cantonale !
– Oui absolument. Le but est de réduire les émissions de CO2 et d’être moins dépendant des énergies fossiles.
– Le calendrier des travaux ?
– Nous avons l’intention de réaliser la colonne vertébrale du nouveau réseau et ses ramifications dans un délai de cinq à dix ans. Ensuite viendra la densification avec le raccordement de nouveaux clients.
– Un gros chantier !
– Nous devons installer deux conduites supplémentaires, aller et retour, dans un sous-sol déjà très encombré par les réseaux d’eau, de gaz, d’électricité, d’évacuation des eaux usées… Ces conduites ont un diamètre extérieur important, jusqu’à 450 mm, il y a aussi des distances à respecter avec les tuyaux existants. On se retrouve avec des fouilles qui font près de 2 m de largeur et plus d’1 m de profondeur.
– Quid des particuliers qui doivent changer leur chaudière sans pouvoir attendre le chauffage à distance ?
– Bonne question. Nous avons prévu une solution transitoire. Concrètement, nous leur mettons à disposition une chaudière provisoire qui pourra être installée après coup chez un autre utilisateur. Mais cela ne constitue pas une solution d’urgence.
– Pour la planète, le chauffage à distance c’est moins de CO2. Quel avantage pour le particulier ?
– Il n’a plus les frais d’entretien de sa chaudière ou de la cheminée. Viteos finance le réseau principal, mais le propriétaire doit tout de même entretenir le réseau secondaire qui distribue la chaleur à l’intérieur de l’immeuble.
– Finalement, le chauffage sera plus cher ou moins cher ?
– Les charges d’entretien vont diminuer, mais globalement les tarifs vont augmenter car on utilise plus de renouvelable, qui est plus cher que les énergies fossiles. Néanmoins, plus il y a de bâtiments raccordés moins c’est cher ! De plus la ressource est locale et son prix dissocié du contexte géopolitique mondial.
– Peut-on raccorder toute la ville ?
– Le chauffage à distance a du sens dans les quartiers à forte densité et dans le centre-ville où il est difficile d’installer des pompes à chaleur ou de stocker des pellets.
– Le chauffage à distance, une révolution énergétique ?
– C’est une technologie qui existe depuis longtemps. Aujourd’hui elle est portée par l’air du temps car elle répond aux enjeux climatiques actuels. Mais ce n’est pas non plus la baguette magique qui nous permettra d’atteindre le zéro CO2 en 2050. Une partie de la réponse se trouve dans l’assainissement des bâtiments.