Mais que fait donc Sophie, après être sortie de son lit de verdure et avoir quitté le Bibliobus ? Elle étudie la médecine vétérinaire ! Le choix ne s’est pas fait tout seul. Reculez de quatre ans vos trotteuses. C’est venu comme une subite envie de madeleines, une belle tranche horaire de la Recherche du temps perdu. Et c’est parti, chauffe Marcel, d’un coup Sophie s’intéresse aux métiers de l’horlogerie.
Vite, une visite d’entreprise, bien loin du côté de chez Swann, en fait, là où… les montres du Locle naissent. Des artistes aux mains virtuoses manipulent de toutes petites pièces, monstrueusement mignonnes. Un métier précis. Peut-être un peu trop pour elle. Confinée dans son esprit littéraire, notre cueilleuse de prose songea devenir aviatrice et autrice à l’instar de Saint-Exupéry.
Prendre dans ses bras, parenthèses infinies, le Petit Prince, le serrer très fort et s’envoler dans un troupeau indiscipliné de nuages, un must. Elle dessina un mouton, tombé d’un cumulus et passa à autre chose. Deux nez noirs plus tard, Sophie revint à son dessin, ajouta le Lion de Kessel et peaufina son mouton à en perdre haleine, puis s’endormit. Au réveil, Sophie sut. Elle sut qu’elle voulait s’occuper de l’insoutenable mal-être des animaux abandonnés… et des autres aussi. C’était en elle depuis longtemps, il fallait un déclic.
D’emblée, elle se vit soigner le chien des Baskerville, calmer la vipère de Bazin, elle y mit un poing… d’honneur, mais aussi vermifuger le merveilleux chat, celui aux yeux mêlés de métal et d’agathe de Baudelaire. Vétérinaire, elle mettra donc la main à la patte et poursuivra ses laïques humanités. Elle restera fidèle à ses samedis livresques, on ne trahit pas l’Ange du jour, on convole avec… ne fût-ce qu’en pensée.
*Lecteur du Ô. Écrit pour lui. A signé nombre d’articles pour la Feuille d’avis de Neuchâtel dans les années 1980.