Benedetto Vigna, big boss de la célèbre marque au cheval cabré, explique pour Le Ô cette révolution. Premier modèle électrique en 2026 !
La transition écologique met le turbo ! C’est tout un symbole, Ferrari va sortir prochainement sa première voiture 100 % électrique. L’homme qui doit piloter ce virage historique, le nouveau big boss Benedetto Vigna, a récemment donné une conférence à Neuchâtel devant une salle comble, à l’invitation de la FSRM, la Fondation suisse pour la recherche en microtechnique.
Quand il a été nommé CEO de Ferrari en 2021, Benedetto Vigna était un inconnu dans le monde automobile mais pas dans les milieux de la microtechnique neuchâtelois avec lesquels il a longuement collaboré. Cet ingénieur italien récemment naturalisé suisse avait fait une carrière remarquée chez STMicroelectronics, l’un des plus grands fabricants européens de semi-conducteurs. Une centaine de brevets à son actif, parmi lesquels un capteur 3D qui sera utilisé dans les airbags et la console de jeu Wii. Ce champion des puces électroniques s’est avéré l’homme de la situation pour relever le défi électrique de Ferrari. Nous l’avons rencontré à l’occasion de sa présence à Neuchâtel.
– Quand verra-t-on la première Ferrari électrique ?
– Elle sera sur le marché en 2026.
– La voiture est encore secrète ?
– Top secrète ! Comme chacune de nos nouvelles voitures. Le prototype est actuellement en test. Il me plaît beaucoup.
– Le design va changer ?
– Ce sera une véritable Ferrari, elle sera unique ! Notre voiture électrique va bien au-delà des électrons et des bits dont on parle habituellement. Nous ne sommes pas guidés par la technologie et le marché. Quand on vend un produit de luxe, on vend de l’émotion.
– Une Ferrari, sans le bruit de son 12 cylindres sous le capot, donne-t-elle encore la même émotion ?
– Le juge final sera le client, mais un moteur électrique n’est pas silencieux, il peut produire de l’émotion. Nous avons déjà la Ferrari hybride, qui existe en six modèles différents. Au premier semestre de cette année, nous en avons vendu autant que des voitures thermiques. On ressent chez beaucoup de gens une obligation morale de faire quelque chose de bien pour la prochaine génération.
– C’est devenu indispensable de proposer une voiture verte ?
– Pour une entreprise de luxe, c’est important car nous vendons un produit symbolique. Et nous avons pris l’engagement d’atteindre la neutralité carbone en 2030.
– Un jour, toutes les Ferrari seront électriques ?
– Nous allons proposer les trois versions, électrique, hybride et à essence. Nous ne voulons pas imposer un modèle. Notre stratégie marketing est simple : une Ferrari différente pour chaque Ferrarista, comme on appelle les amateurs de nos voitures.
– Vous venez de la microtechnique, un domaine qui cultive l’innovation, le luxe est plus conservateur, plus sensible à la notion d’héritage. C’est plus difficile d’y introduire une révolution technologique ?
– Si on fait la révolution, tout le monde sera contre ! Je parlerais plutôt d’une évolution. Chez Ferrari, l’électrification est un processus qui a commencé il y a quinze ans déjà. Les marques de prestige sont comme un organisme vivant, une personne, elles changent au cours de leur vie, mais tout en gardant leur ADN.
– Aujourd’hui la Ferrari électrique, demain une Ferrari autonome ?
– Il n’y aura pas de Ferrari autonome. (il répète) Pas de Ferrari autonome !
– Verra-t-on bientôt une Ferrari électrique en compétition en Formule E ?
– Nous restons focalisés sur la Formule 1 traditionnelle. Il ne sert à rien de se disperser.
– Y a-t-il un lien entre les victoires en course et les ventes ?
– Pas un lien direct. Mais la compétition participe à l’univers de la marque. La Scuderia Ferrari est présente sur les circuits sans interruption depuis les débuts de la Formule 1.
– Combien de Ferrari vendez-vous par année ?
– En 2023, nous avons vendu 13 663 voitures. Le délai d’attente dépend des modèles, mais il est de plus de deux ans.
-Quel est le prix d’entrée de gamme ?
– Environ 250 000 francs. Le montant peut varier selon les pays et les taxes.
– Comment évolue la clientèle ?
– Les nouveaux clients sont plus jeunes, 40 % ont moins de 40 ans. Il y a plus de femmes. La nouvelle tendance est de personnaliser sa voiture, la couleur, les accessoires, remplacer l’alu par du carbone, et même choisir le point de couture des sièges.
– Votre devise ?
– Ma devise est qu’il faut savoir garder les 4 roues sur terre. Quand on est à la tête d’une entreprise qui a du succès, il y a toujours le risque de perdre sa boussole. Il faut savoir rester à l’écoute, continuer à apprendre plutôt que de donner des leçons.
– Et votre voiture privée ?
– Une Ferrari Purosangue.
– Le premier SUV de la marque ?
– Un SUV est utilitaire. Il y a deux mots qui ne collent pas avec Ferrari, c’est utilité et mobilité. Donc la Purosangue n’est pas un SUV, c’est une Purosangue !