L’image était si spectaculaire que je faillis emboutir le véhicule que je suivais. Elle était debout au bord d’un trottoir, bayant aux corneilles, moulée dans un ensemble d’un bleu unique, éblouissant, l’IKB.
Deux heures plus tard, je la croisai à nouveau. Elle sirotait un jus de fruits sur une terrasse. Cette fois, j’eus l’occasion de la contempler de près, je m’assis non loin d’elle. Elle caressait un petit chien, apparu comme par miracle sur ses genoux. Le bleu des atours soulignait la peau charbon, mettant en valeur des traits de diva. Quelle classe, quelle raffinement. Il y avait quelque chose de phénoménal, d’improbable dans cette sculpturale Vénus venue d’ailleurs. à vieillir, je suis de plus en plus sensible au plaisir des yeux.
Allons, on s’extirpe de sa rêverie en noir et bleu.
Surprenante journée, je l’entrevis encore au Bois du Petit-Château, pensive devant la cage des oiseaux. Une statue moulée dans le décor. J’étais abasourdie par cet harmonieux clin d’œil.
« Si je retombe sur elle au cours de la semaine, je l’invite à boire un café », me dis-je.
Je n’eus pas à attendre. Dans la soirée, elle déambulait sur ses talons hauts, suivie du petit chien, à deux pas de chez moi. Je dégringolai les escaliers et la rattrapai.
– On se connaît ? demanda-t-elle, étonnée par mon intervention à la hussarde que rien ne justifiait.
– Non, mais c’est la quatrième fois que je tombe sur vous aujourd’hui.
– Ah bon ? fit la déesse avec cette ingénuité propre à celles qui connaissent parfaitement l’effet qu’elles produisent sur autrui.
– Je vous avoue que vous êtes un encensement de l’IKB. Yves Klein, de bonheur, se retourne dans sa tombe.
– Ah, vous avez remarqué, sourit l’angélique, c’est bien la première fois !
Et cultivée, la dame. Pendant ce temps, le petit chien, nommé Rembrandt, relevait avec intérêt ses mails canins le long d’un mur.
Dernières parutions :
La Chambre noire, Favre éd., 2023 ;
Hibakusha – Oppenheimer, le défi des
parias, théâtre, éd. Grand Cargo, 2024