Gertrude Beuchat née Sturzenegger, 57 ans, trois enfants, deux petits enfants (ils sont tellement mignons surtout un), un chat, Capsule, 17 ans, sous dialyse au Tierspietal 3 fois par semaine, Wilhelm, son défunt mari, parti beaucoup trop tard lors d’un tournoi de boccia un mois après sa retraite, ne savait pas qu’un jour, après une vie de labeur harassant, trimant au sein de différentes boîtes d’horlogerie valsant entre euphorie, embauche, sur-stockage et mise au chômage partiel, que, contrairement à la princesse Lady Di, elle ne toucherait pas son deuxième pilier.
Mais, comme elle, dans ce Far West pré-apocalyptique du froid calcul, ils sont des milliers à écouter les bonimenteurs en col blanc qui ne manquent pas d’assurance, les terrifier à coup de chiffres et d’analyses bidons, prônant les joies de la flexibilité du travail face à l’ankylose et aux raideurs politico-financières dans un saint entubage joyeux annonçant un futur riant et plein d’espoir, la bible du courtier à la main.
« Dans l’cul la balayette ! », comme tenait à le rappeler dans un désormais cri du cœur quotidien, ma voisine de palier, poétesse du plumeau et femme de ménage émérite, qui aimerait bien aller le faire au Palais fédéral, dans les officines des assurances et des banques qui ont finalement perdu tout crédit.
Dimanche prochain, vous allez d’une main à l’assurance tremblotante, glisser dans cette urne funeste qui sera bientôt la nôtre, la petite enveloppe grisâtre contenant un « oui » ou un « non » ou même rien. Cette mince enveloppe symbole d’une démocratie plus omnibus que directe, à la mémoire défaillante d’une vieille grand-maman attendant sa rente, son thé et sa biscotte au son du marteau-piqueur, nous dira si le peuple laborieux en a encore dans le slip.