La Semeuse, après  la tempête le soleil

Par Patrick Fischer

Nouveau centre logistique reconstruit plus écologique qu’avant

Comme le chalet reconstruit plus beau qu’avant dans la chanson de l’abbé Bovet, les usines balayées par la tempête du 24 juillet 2023 au Crêt-du-Locle ont été reconstruites plus écolo qu’avant. Les temps ont changé ! Pour le centre logistique des cafés La Semeuse et de Choco-Diffusion, largement démoli, la tempête aura agi comme accélérateur de transition énergétique. Le nouveau bâtiment a été inauguré en fin de semaine dernière. Pour La Semeuse, qui va fêter ses 125 ans l’année prochaine, l’engagement durable fait partie de l’ADN de la marque. Elle a été la première, en 1992, à lancer un café bio. Ce fut longtemps un marché de niche. Aujourd’hui plus de la moitié des cafés qui sortent de l’allée des Paysans-Horlogers sont certifiés bio ou fairtrade. Patron de Choco-Diffusion et de La Semeuse, qu’il a rachetée à Marc Bloch en 2015, Nicolas Bihler fait le point sur les enjeux environnementaux de l’industrie du café pour les lecteurs du Ô.

– Vous avez reconstruit plus écolo qu’avant ?
– Avec la problématique climatique, on ne construit plus aujourd’hui comme en 2007. On tient compte de la consommation énergétique, des nouveaux matériaux. Les normes ont bien changé. Nous avons cherché à profiter de la forte exposition du lieu au soleil.

– Qu’est-ce qui change ?
– D’abord, on a voulu conserver la structure en bois et ne pas partir sur un concept acier ou béton. On a amélioré l’isolation, on a posé des panneaux solaires sur le toit et sur les quatre façades, et on a installé une pompe à chaleur. Le stockage du chocolat et du café exige une température contrôlée entre 16 et 18 degrés toute l’année. Avec cette installation on produit une réserve d’eau chaude la journée qui couvre les besoins énergétiques pendant la nuit.

– Vu comme ça, la tempête a été une opportunité ?
– Ça a été un coup assez rude mais on a profité de cette situation pour faire mieux.

– Un gros investissement !
– Le bâtiment nous a coûté le double qu’à l’époque de sa construction en 2007.

– Combien ? Une dizaine de millions ?
– On n’est pas loin !

– L’assurance n’a évidemment pas tout payé ?
– Ça a été de grandes discussions. L’ECAP a fait une estimation des dégâts mais il a aussi fallu adapter le bâtiment aux nouvelles normes, ce qui n’est pas couvert par l’assurance. Pour ne prendre que l’exemple de la neige, il a fallu renforcer la toiture. Au final, le delta est important entre le montant remboursé et le coût de la reconstruction.

La torréfaction est-elle gourmande en énergie ?
– Oui bien sûr ! On utilise du gaz naturel, mais si on fait le bilan carbone global ce n’est de loin pas le poste le plus problématique, qui est la production du café dans les pays d’origine.

– Quelle température, la torréfaction ?
– Au-dessus de 200 degrés.

– Est-ce que l’industrie du café a un fort impact climatique ?
– Les grains se baladent d’un continent à l’autre, il y a beaucoup de transport. Le transport, comme la torréfaction, représente une toute petite partie des émissions de CO2. Mais on peut s’améliorer. En 2025, on va remplacer toute notre installation de torréfaction. Avec les nouvelles technologies on réduira sensiblement la consommation énergétique. Et on a beaucoup travaillé sur la problématique de la production de café à l’origine.

– Vous soutenez les producteurs qui sont respectueux de la biodiversité. Comment ?
– On les aide financièrement en payant le café plus cher, en versant des contributions annuelles qui leur permettent de suivre des formations sur la biodiversité. On a énormément travaillé avec nos partenaires en Colombie pour les sensibiliser à l’importance du bio.

– Vous contrôlez comment ?
– On fait analyser tous nos lots avant l’embarquement sur place. ça nous est déjà arrivé de tomber sur une récolte contaminée par des pesticides d’une plantation environnante et qui n’a donc pas pu être livrée.

– Vous connaissez tous vos producteurs ?
– Non pas tous. Nous avons une quarantaine de producteurs. On connaît les coopératives. Les partenaires à qui on achète du café bio et fairtrade, on les connaît tous.

– Pourquoi vos capsules sont toujours en alu alors que vos concurrents (Nespresso, Migros…) lancent des capsules biodégradables ?
– Vous pouvez faire tout ce que vous voulez, vous n’obtiendrez un excellent rendu qualité qu’avec l’aluminium. Par contre, nos emballages de café en grain ou moulu ne contiennent plus d’alu. Partout où c’était possible on a supprimé l’aluminium.

– Vous avez votre propre filière de recyclage ?
– Non, mais il existe une filière nationale qui s’est mise en place et qui permet de récupérer les capsules dans les 2700 déchetteries du pays. Aujourd’hui les nouvelles capsules sont fabriquées à partir de 80 % d’alu recyclé.

– Sur votre site, on lit : « Le développement durable est notre raison d’être. » Pourquoi « que » 50 % de café bio ?
– Ah non… je dirais pourquoi autant ! (rires… ) Le chiffre est en très forte progression. Mais tout le monde n’a pas cette sensibilité, ni les moyens de s’offrir un café bio qui est plus cher. On se doit de proposer aussi un café traditionnel.

– Rien n’oblige donc à avoir un label vert pour vendre du café ?
– Certains clients y sont sensibles, mais le prix joue aussi un rôle important. D’autant plus que sur le marché des matières premières, le café a atteint des prix record. Mais notre volonté est de garder le cap, celui de la durabilité. Je suis persuadé que sur le long terme ça portera ses fruits. Comme entreprise familiale, nous ne sommes pas obsédés par le profit.

– Le réchauffement climatique vous inquiète ?
– Oui, et j’espère que ça nous inquiète tous. On a subi le dérèglement climatique de plein fouet avec la tempête du 24 juillet 2023, et on en voit les conséquences tous les jours en regardant les infos.

– Votre geste quotidien pour la planète ?
– Je bois un bon café bio !

 

 

En chiffres

→ 35 collaborateurs

→ 30 000 sacs de café vert torréfiés par année (env. 1800 tonnes)

→ 90 % d’arabica

En chiffres

→ 35 collaborateurs

→ 30 000 sacs de café vert torréfiés par année (env. 1800 tonnes)

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