C’est ce que révèle et souligne l’enquête de terrain menée en marge des Assises de la cohésion sociale. Celles et ceux qui bénéficient de l’aide sociale comptent sur l’État pour les aider à retrouver un emploi. Menée entre 2022 et 2023, l’analyse auprès des bénéficiaires et des professionnels de l’action sociale démontre que le travail rémunéré reste la colonne vertébrale du bien-être.
Cheffe du département de l’emploi et de la cohésion sociale, la conseillère d’État Florence Nater vient de faire l’état des lieux un an après et présenter plusieurs actions concrètes permettant de mieux épauler les personnes cherchant de l’aide. Elle nous livre son éclairage.
– Peu après votre entrée en fonction, vous avez demandé un état des lieux de l’action sociale, était-ce une nécessité ?
– Je l’ai identifié comme telle pour voir ce que les réformes des institutions avaient apporté dans la dernière décennie, notamment du point de vue de la répartition de la facture sociale ou de la réduction du nombre de prestations. Pour être proche des réalités quotidiennes des citoyen·ne·s, le travail a été mené de façon ascendante avec une enquête adressée aux bénéficiaires puis épluchée par les professionnel·le·s. à travers les régions, nous avons organisé plusieurs événements, mêlant parfois le public de bénéficiaires avec les expert·e·s. De mon point de vue, la méthodologie a été un succès. Celui-ci devra maintenant s’accompagner de redites pour que nos actions se perpétuent au-delà des assises.
– Sur les 1088 questionnaires retournés, votre commentaire sur la qualité des réponses ?
– Ce qui est important à relever, c’est que plus de la moitié des réponses émanait de bénéficiaires de prestations sociales au sens large ; un échantillon qui permet de se faire une idée précise des attentes de nos citoyen·ne·s.
– L’emploi est central dans les retours, avez-vous été surprise ?
– J’avoue que 87 % de personnes demandant en priorité l’accès à l’emploi c’est beaucoup. Dans un monde bâti sur la réussite, ce chiffre n’a toutefois rien de choquant ; à nous de prioriser cet objectif. J’ajoute qu’être à l’aide sociale ne signifie pas forcément être sans emploi puisqu’un quart des bénéficiaires d’aide sociale en âge de travailler perçoit un revenu ; toutefois insuffisant pour boucler les fins de mois.
– Comment expliquer que les activités bénévoles ne séduisent pas les bénéficiaires de l’aide sociale ?
– Parce que ce type d’activité n’est pas dans les mœurs. Même valorisé, le bénévolat n’est pas populaire puisqu’il est justement perçu comme une activité non rémunératoire. Compenser sous une autre forme que le revenu reste compliqué et difficile à valoriser dans un CV. Il est aujourd’hui trop tôt pour changer les mentalités mais l’heure viendra où une partie de la population sera amenée à s’occuper de nos aîné·e·s.
– Après ces assises, un mot par rapport à vos services ?
– Les conclusions du rapport montrent que l’administration a une marge d’amélioration, notamment en favorisant le dialogue personnel avec les individus. Un autre défi est celui de simplifier l’enchevêtrement des moyens proposés par l’État et les autres associations afin d’opter pour la bonne prestation à la bonne personne. Simplification des formulaires, accès facilité à nos guichets, nous travaillons à simplifier l’accès aux prestations.
– À l’heure du tout numérique, comment repérer et raccrocher les personnes « invisibles » ?
– Lorsqu’on évoque les subsides à l’assurance-maladie ou un soutien social, l’État répond présent… pour autant qu’il soit sollicité et c’est vrai qu’en matière de prestations sociales, de nombreux bénéficiaires potentiel·le·s, âgé·e·s pour la plupart, passent sous le radar de peur d’être stigmatisé·e·s. Pourquoi pas un jour des équipes mobiles sur le terrain agissant à la fois comme des vigiles et comme soutien aux plus démuni·e·s.
– Comment contribuer à la cohésion sociale en tant que « bien-être de toutes et tous » en luttant contre les inégalités ?
– En plaçant comme fil rouge celui que nous suivons dans mon département qui s’articule au quotidien autour d’actions à mener pour que chacune et chacun vive dignement.
– À budget égal, en quoi l’action sociale peut-elle être améliorée ?
– En remettant en cause nos processus par l’introspection, avec pour objectif de nous adapter aux nouvelle situations. En cela, les assises ont atteint leur objectif.
– Après ces assises, comment améliorer les conditions cadres de l’action sociale ?
– En continuant de faire évoluer nos services pour que ceux-ci collent au mieux aux attentes de la population. Prioriser l’accès au 1er marché du travail, nous assurer de la participation des bénéficiaires, favoriser l’accès aux aides et valoriser le bénéfice social d’activités non-rémunérées.