« Jean de La Fontaine, c’est une source jaillissante de morale et de poésie, un prince de la versification », nous serinait Mlle Fuchs, notre maîtresse d’école primaire. Une phrase qui venait en introduction juste avant de commencer la lecture d’une nouvelle fable. J’ai aussi retenu : « Un auteur se met dans la peau de ses personnages, c’est tout bête, par exemple, dans l’histoire du Corbeau… il EST le Renard. »
Cette enseignante vénérait tellement le fabuliste que, selon la tonalité du récit, elle se donnait la peine de le prononcer du bout des lièvres, soucieuse de ne pas effrayer les autres animaux en souffrance d’être bientôt lus. Dans le même état d’esprit, elle parcourait notre classe, calmement à pas de louve. Pas un seul bruit dans les rangées, un calme rarissime pour l’ensemble de ces petits élèves. Quasi le silence des Agneaux… et du Loup !
Les vers irréguliers mais géniaux coulaient comme du nectar dans nos jeunes oreilles. C’était magique, même ceux qui levaient la main, à tout bout de champ pour sortir, restaient collés à leurs places. Nous craignions tous l’instant où la maîtresse allait dire : « Après ces vers brillants, nous allons passer aux maths. » C’était comme une soustraction malvenue aux nombreuses histoires encore à venir. Pour moi, carrément le coup revisité du Renard au Corbeau.
Et, en un bref instant, Mlle Fuchs n’était plus tellement… affable. Cependant, il faut bien l’avouer, l’auteur préféré de notre instit nous a offert de sacrés bons moments. Qu’écrirait-il aujourd’hui à notre époque où la versification est en perte de vitesse – la poésie fout l’camp, Villon – et où de jeunes rappeurs donnent le ton. D’un côté, j’imagine assez facilement Jean-(Renard) de La Fontaine devant son PC. Je le vois troquer sa plume d’oie et utiliser le « Chat et la Souris ». Je le devine même m’envoyer un message sur Facebook, qui plus est en alexandrin : « En toute chose il faut considérer la FIN. »