Mais qu’est-ce que Sophie est bien venue faire dans ce froid norvégien ? Par ailleurs, pas plus mordant qu’à La Brévine, mais la nuit polaire en plus. Pas du tout son genre de jouer à la touriste transie, venue caresser des chiens de traîneaux. En revanche, curieuse de se mesurer à la loi du plus fjord, face à la verticale des falaises qui étranglent la mer et, surtout ressentir ce vent fort, « écoutez-le tenir »… Assez pressée aussi d’échanger avec les « Samis », ces aborigènes mal aimés, traités à tort parfois de chauds Lapons. Mais avant tout, elle n’attendait plus que le moment de revoir sa cousine Céline, gérante avec son mari Lars d’une petite agence de voyage, bien au-delà du cercle polaire. Ce dernier, photographe, se lève aux aurores… boréales, puis, jamais lassé, entre dans le bal coloré de ces mythiques écharpes de soie, échappées du fleuve de la nuit.
Sophie s’impatientait aussi de les photographier. Elle sort même s’il neige. Optimiste, elle plagie Alfred de Musset : « Qu’importe le flocon, pourvu qu’on ait l’hiver. » Céline, la fée des voyages au bout de la nuit, lui avait confié : « Tu sais, la pratique de la photo, c’est un clan un peu fermé, à l’instar d’une chapelle. » « Pire que cela, l’avait coupée Sophie, tu peux même dire que ça participe du droit canon. C’est la vérité toute nue que l’on doit imposer à son objectif. On compose avec des zooms de bonne volonté, pas de place à la triche ou aux focus. Il s’agit de faire preuve d’une large ouverture d’esprit. Quant au temps de prose, il faut laisser venir lentement la poésie des aurores dans son capteur d’espérances et ce sera le tout grand soir. »
Malgré tout, il lui en a fallu des soirs à se geler les mains dans des mises au point… hasardeuses. Et, à l’instant précis, juste avant de presser à fond le déclencheur, elle sut qu’elle la tenait son aurore, en VERT… et contre tout. Ce fut comme une avance de bonheur sur la magie du Nord ! Du Nord à crédit dirait… Céline. L’autre !