L’innovation neuchâteloise qui réduit les pertes alimentaires dans les supermarchés

Par Patrick Fischer

L’intelligence artificielle se niche partout, on la trouve même dans le congélateur ! La réfrigération intelligente est une petite révolution dans le monde du froid commercial. On la doit à une innovation neuchâteloise, développée au CSEM en collaboration avec l’entreprise vaudoise Digitel et testée par la Migros. En anticipant mieux les défaillances des frigos et des congélateurs des supermarchés, le système Amicool permet de réduire la consommation d’énergie et les pertes alimentaires dues aux pannes. Selon la Confédération, 280 000 tonnes de nourriture sont gaspillées chaque année dans les commerces. Le Ô a rencontré tous les protagonistes de cette aventure technologique.Pierre-Jean Alet est responsable du groupe Digital Energy au CSEM, le centre d’innovation technologique de Neuchâtel. C’est son équipe qui a mis au point la technologie Amicool, une première mondiale qui a été brevetée. On ne s’attend pas à voir de l’intelligence artificielle dans les frigos… Pourquoi c’est nécessaire ? L’IA n’est pas faite pour les frigos qu’on a dans sa cuisine, à la maison. L’objectif est d’améliorer la performance des systèmes de réfrigération des grandes surfaces. Comme ils sont tous différents, leur gestion est très compliquée, il y a beaucoup d’informations disparates à surveiller. Pour cela l’intelligence artificielle est utile, c’est une technologie portée par des gros volumes de données.

– Quels types d’anomalies détectez-vous ?
– Les plus simples sont les portes laissées ouvertes. Cela peut être également une prise en glace, quand du givre se forme dans le système, des problèmes sur les compresseurs, des tuyaux bouchés, des écarts de température…

– Est-ce qu’un jour cette IA arrivera quand même dans les frigos de monsieur et madame tout le monde ?
– C’est moins intéressant. L’IA fait du sens pour des grosses installations complexes, où les pannes vont coûter cher. Notre but est de diminuer les coûts de gestion opérationnelle de 20 % grâce à une détection précoce des problèmes. Un frigo privé c’est relativement simple, la marge d’optimisation est moindre, ça ne serait pas rentable.

– Vous avez le soutien de la Confédération à travers Innosuisse, l’agence pour l’encouragement de l’innovation. Que représente cette aide ?
– Ce financement public permet aux entreprises de prendre des risques technologiques. Dans notre cas, cela représente plusieurs centaines de milliers de francs. C’est un soutien déterminant. Sans lui, nous n’aurions pas pu développer cette technologie.

– Comment est née la collaboration avec Digitel ?
– C’est une des missions du CSEM de répondre, avec nos compétences et notre expérience, aux besoins des entreprises. Mon équipe travaille sur l’intelligence artificielle pour l’énergie, on a développé un système de surveillance des éoliennes par exemple. C’est la raison pour laquelle Digitel s’est approchée de nous.

Pierre-Jean Alet du CSEM et Marc-étienne Jan, CEO de Digitel, ont développé une technologie qui répond à la flambée des prix de l’énergie et aux pertes alimentaires. (photo PF)

Migros, le testeur devenu client « Le froid représente 50 % de la consommation électrique »

La coopérative Migros Genève a servi de banc d’essai pour Amicool, dans le cadre de son engagement en faveur de la réduction de l’empreinte carbone. Son responsable management de l’énergie Nicolas Billard a reçu Le Ô dans ses locaux de Carouge en compagnie d’Alexandre Caterino, en charge de l’optimisation énergétique.

– Pourquoi avoir participé à ces tests ?
– On a participé au développement de l’algorithme dans deux magasins pilotes. Pour nous, à Migros Genève, il y avait un gain potentiel important car nos équipes techniques sont très sollicitées. Cet outil nous permet de cibler rapidement les problèmes et les installations sur lesquelles il faut agir. Ça ne remplacera pas le travail du technicien mais ça va le simplifier et l’orienter. Et ça nous fait gagner du temps.

– Gain de temps et d’argent ?
– Oui, on a constaté que les alarmes arrivent parfois trop tard et nécessitent des interventions importantes. Le temps passé entre le dysfonctionnement et l’alarme peut coûter cher. Aujourd’hui, grâce au système Amicool, on arrive à anticiper les pannes et à limiter les coûts de ces interventions.

– Premier bilan ?
– Dans nos deux magasins tests on a pu constater que l’investissement pour cet outil peut être amorti dans l’année. On va désormais l’utiliser de manière commerciale sur plusieurs sites.

– Quels bénéfices en attendez-vous ?
– Dans un magasin, le froid commercial représente 50 % de la consommation électrique, c’est le poste le plus important. Le reste c’est le chauffage, la ventilation, la lumière. Donc toute économie d’énergie représente vite des montants importants. Cela étant, ce n’est pas sur la consommation énergétique qu’on gagnera le plus mais sur les coûts d’exploitation qu’on va pouvoir réduire. L’intervention d’un technicien pour dégivrer une chambre froide prise en glace peut prendre plus de 3 heures et coûter cher.

– Moins de pertes de marchandises aussi ?
– Oui, notamment dans les vitrines, là où la marchandise est présentée à la clientèle. On peut avoir des remontées de température qui nous obligent à jeter la nourriture. Le système Amicool, en signalant le problème rapidement, permet d’éviter le gaspillage. Cela dit, chez nous, le vol en magasin est plus important que ces pertes.

– Ils sont à quelle température les frigos et congélateurs ?
– Environ moins 20 degrés pour la congélation. Pour la conservation de la viande autour de 0, et entre 7 et 8 degrés pour les boissons.

 

Digitel, le régulateur du froid « Une approche pionnière »

Depuis 1989, Digitel s’est fait une place dans le monde du froid commercial. Cette PME de Cugy ne vend pas de congélateurs… mais des systèmes de régulation pour les installations de réfrigération ! C’est un marché tendu, fortement impacté par la guerre en Ukraine et les problèmes d’approvisionnement de composants électroniques ainsi que par la force du franc suisse car Digitel exporte la moitié de sa production. Marc-étienne Jan reprend la société en 2021 et se dit qu’il fallait ajouter une corde à son arc pour envisager un futur plus pérenne : « Très vite, j’ai pensé qu’il fallait recourir à l’IA car nos régulateurs absorbent un nombre de données faramineux qui n’étaient pas exploitées. »

– Amicool est un instrument plus performant ?
– C’est plutôt une surcouche supplémentaire, une couche d’hypervision qui permet d’agréger des données qui viennent de différents sites sur une même centrale. Notre technologie a l’avantage de travailler sur tous les systèmes et elle est compatible avec les régulateurs des autres fabricants. C’est à ma connaissance une approche unique.

– Vous êtes en phase de commercialisation ?
– Oui, la phase de test avec Migros est terminée. On commence la commercialisation.

– Les perspectives de marché ?
– Il faut savoir que tout nouveau produit génère son lot de valeur ajoutée mais aussi de changement dans la manière de travailler. Comme on est dans quelque chose de disruptif, les deux aspects sont amplifiés. Certains clients sont tout de suite séduits par le produit, d’autres sont plus réticents.

– Qui sont les clients ?
– Principalement les supermarchés. Il faut que les installations soient suffisamment grandes et complexes pour que ça vaille la peine, et que la valeur des marchandises soit également importante. Amicool nous permet par exemple d’identifier le comportement des clients qui referment mal les portes et de corriger le problème. C’est un outil qui fournit des informations extrêmement précieuses aux gestionnaires de ces installations de froid et qui va baisser les coûts de maintenance.

– Est-ce que ça permet aussi de baisser la consommation d’électricité ?
– Oui, car toutes les anomalies « silencieuses » qui ne sont pas détectées à temps créent un stress dans le système et donc une surconsommation.

– Que représente pour vous l’enjeu de la transition énergétique ?
– Notre système y répond. Pour cela, il faut que nos clients y soient sensibles et qu’ils souhaitent investir dans cet instrument.

 

Migros, le testeur devenu client « Le froid représente 50 % de la consommation électrique »

La coopérative Migros Genève a servi de banc d’essai pour Amicool, dans le cadre de son engagement en faveur de la réduction de l’empreinte carbone. Son responsable management de l’énergie Nicolas Billard a reçu Le Ô dans ses locaux de Carouge en compagnie d’Alexandre Caterino, en charge de l’optimisation énergétique.

– Pourquoi avoir participé à ces tests ?
– On a participé au développement de l’algorithme dans deux magasins pilotes. Pour nous, à Migros Genève, il y avait un gain potentiel important car nos équipes techniques sont très sollicitées. Cet outil nous permet de cibler rapidement les problèmes et les installations sur lesquelles il faut agir. Ça ne remplacera pas le travail du technicien mais ça va le simplifier et l’orienter. Et ça nous fait gagner du temps.

– Gain de temps et d’argent ?
– Oui, on a constaté que les alarmes arrivent parfois trop tard et nécessitent des interventions importantes. Le temps passé entre le dysfonctionnement et l’alarme peut coûter cher. Aujourd’hui, grâce au système Amicool, on arrive à anticiper les pannes et à limiter les coûts de ces interventions.

– Premier bilan ?
– Dans nos deux magasins tests on a pu constater que l’investissement pour cet outil peut être amorti dans l’année. On va désormais l’utiliser de manière commerciale sur plusieurs sites.

– Quels bénéfices en attendez-vous ?
– Dans un magasin, le froid commercial représente 50 % de la consommation électrique, c’est le poste le plus important. Le reste c’est le chauffage, la ventilation, la lumière. Donc toute économie d’énergie représente vite des montants importants. Cela étant, ce n’est pas sur la consommation énergétique qu’on gagnera le plus mais sur les coûts d’exploitation qu’on va pouvoir réduire. L’intervention d’un technicien pour dégivrer une chambre froide prise en glace peut prendre plus de 3 heures et coûter cher.

– Moins de pertes de marchandises aussi ?
– Oui, notamment dans les vitrines, là où la marchandise est présentée à la clientèle. On peut avoir des remontées de température qui nous obligent à jeter la nourriture. Le système Amicool, en signalant le problème rapidement, permet d’éviter le gaspillage. Cela dit, chez nous, le vol en magasin est plus important que ces pertes.

– Ils sont à quelle température les frigos et congélateurs ?
– Environ moins 20 degrés pour la congélation. Pour la conservation de la viande autour de 0, et entre 7 et 8 degrés pour les boissons.

 

Digitel, le régulateur du froid « Une approche pionnière »

Depuis 1989, Digitel s’est fait une place dans le monde du froid commercial. Cette PME de Cugy ne vend pas de congélateurs… mais des systèmes de régulation pour les installations de réfrigération ! C’est un marché tendu, fortement impacté par la guerre en Ukraine et les problèmes d’approvisionnement de composants électroniques ainsi que par la force du franc suisse car Digitel exporte la moitié de sa production. Marc-étienne Jan reprend la société en 2021 et se dit qu’il fallait ajouter une corde à son arc pour envisager un futur plus pérenne : « Très vite, j’ai pensé qu’il fallait recourir à l’IA car nos régulateurs absorbent un nombre de données faramineux qui n’étaient pas exploitées. »

– Amicool est un instrument plus performant ?
– C’est plutôt une surcouche supplémentaire, une couche d’hypervision qui permet d’agréger des données qui viennent de différents sites sur une même centrale. Notre technologie a l’avantage de travailler sur tous les systèmes et elle est compatible avec les régulateurs des autres fabricants. C’est à ma connaissance une approche unique.

– Vous êtes en phase de commercialisation ?
– Oui, la phase de test avec Migros est terminée. On commence la commercialisation.

– Les perspectives de marché ?
– Il faut savoir que tout nouveau produit génère son lot de valeur ajoutée mais aussi de changement dans la manière de travailler. Comme on est dans quelque chose de disruptif, les deux aspects sont amplifiés. Certains clients sont tout de suite séduits par le produit, d’autres sont plus réticents.

– Qui sont les clients ?
– Principalement les supermarchés. Il faut que les installations soient suffisamment grandes et complexes pour que ça vaille la peine, et que la valeur des marchandises soit également importante. Amicool nous permet par exemple d’identifier le comportement des clients qui referment mal les portes et de corriger le problème. C’est un outil qui fournit des informations extrêmement précieuses aux gestionnaires de ces installations de froid et qui va baisser les coûts de maintenance.

– Est-ce que ça permet aussi de baisser la consommation d’électricité ?
– Oui, car toutes les anomalies « silencieuses » qui ne sont pas détectées à temps créent un stress dans le système et donc une surconsommation.

– Que représente pour vous l’enjeu de la transition énergétique ?
– Notre système y répond. Pour cela, il faut que nos clients y soient sensibles et qu’ils souhaitent investir dans cet instrument.

 

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Pacifiste et non-violent convaincu, Ziad Medoukh est professeur de français à l’université. Il habite à Gaza-ville, lieu qu’il a toujours refusé de quitter. Dans