Sur la chaise de président depuis 8 ans – soit au terme des 2 mandats statutaires de 4 ans – le sociologue François Hainard laisse son fauteuil à Ellen Hertz, une états-Unienne installée à La Chaux-de-Fonds et professeure à l’institut d’ethnologie de l’Université de Neuchâtel (2001 à 2024). En début de semaine, la spécialiste en anthropologie, qui apprécie la richesse et la variété du patrimoine du canton de Neuchâtel, a été nommée à la tête du club qui sort de l’année du 80e anniversaire de sa fondation par Georges Braunschweig, industriel de renom, patron de Portescap.
Pour la première fois de son histoire, l’institution sera dirigée par deux femmes, bien connues à La Chaux-de-Fonds. La première, Ellen Hertz est une personnalité du monde académique, originaire d’Ithaca (New York), membre du bureau exécutif du club depuis 2017. Le poste de vice-présidente, est confié à Zahra Banisadr, une spécialiste de la migration qui travaille au COSM et est aussi à l’origine des associations Printemps culturel et Génie-Citoyen. Ces nominations marquent l’aboutissement d’un long processus de mutation puisque dans les premières années du club, seuls les hommes étaient admis.
Entretien exclusif avec Ellen Hertz
– Quels sont les principaux défis du Club 44 ?
– Le principal est de rester pertinent en organisant 40 événements annuels de qualité. Notre rôle est de fournir un cadre propice pour discuter de sujets culturels, politiques ou sociétaux. Faire venir des personnalités au Club 44 est également un challenge car celles et ceux qui attirent les foules sont aussi les plus demandés. La recherche de donateurs, de mécènes et de sponsors complète le panel des défis qui nous attendent.
– Et le défi de recruter de nouveaux membres ?
– Il est vrai que nos membres ont surtout la cinquantaine et au-dessus. Heureusement que l’espérance de vie se prolonge ! Mais nous accordons une importance toute particulière à faire venir les jeunes, notamment à travers des partenariats avec le lycée Blaise Cendrars et l’université de Neuchâtel.
– Le programme et la présidence ?
– Chacun des 11 membres du bureau exécutif amène des idées et des noms mais c’est bien notre déléguée culturelle qui est la cheville ouvrière de l’agenda. Dans la période tumultueuse que le monde traverse, les sujets politiques ou climatiques ne manquent pas pour alimenter notre programme et susciter l’intérêt de nos membres. Pour traiter le sujet de la durabilité, nous souhaitons également collaborer avec des entrepreneurs qui font changer les choses.
– Un mot sur les USA, votre pays d’origine ?
– J’en reviens justement et je trouve le climat US moribond. En vérité, c’est très difficile de se faire une idée car ce qui se passe n’est pas le reflet de ce qui est rapporté dans les médias. La majorité des Américains ne sont pas des extrémistes ou des personnes opposées à l’état de droit. Un risque de durcissement des pratiques policières existe mais il ne s’est pas avéré pour l’heure, bien que les manifestations aient plus que doublé en nombre.
– Un cycle de conférences sur le sujet ?
– Au niveau international, européen et suisse, il y a les répercussions que le fantasque président provoque non seulement dans toute la population mais aussi parmi les groupuscules d’extrême droite. Il est bien possible que la gouvernance par le chaos provoque des effets eux aussi chaotiques ! Avec ses excès, le président ravage l’opinion publique et coupe les ailes aux leaders nationalistes comme cela vient de se démontrer au Canada et en Australie.
– Un mot sur la conquête des cerveaux américains par l’Europe ?
– Pour attirer les meilleurs cerveaux, il faut des sous. On ne monte pas des chaires universitaires sur un claquement de doigts. Je crains que ni les institutions européennes ni même la Suisse ne disposent des moyens suffisants, d’autant plus dans une période de réarmement, synonyme d’austérité académique.
– Parlez-nous de votre nomination en tant que présidente ?
– Prendre la présidence du Club 44 est un grand honneur qui marque mon intégration dans cette ville. Je ferai tout pour être à la hauteur en comptant sur l’expérience de François Hainard, qui reste à bord, et des autres personnalités qui composent le bureau exécutif et l’équipe. Honneur et surtout plaisir d’observer ce public qui vient nombreux écouter nos conférences semaine après semaine, source d’émerveillement continu chez moi.