Vadec, tout l’art de la gestion des déchets

Par Patrick Fischer

De l’or noir dans nos poubelles : La montagne de déchets que nous produisons étouffe une bonne partie de la planète. Sous nos latitudes, leur incinération permet de produire du chauffage à distance et de l’électricité. Le Graal ?! Né du pétrole, le plastique serait-il l’énergie renouvelable du XXIe siècle ? Dans l’Arc jurassien, la valorisation des déchets est l’affaire de la société Vadec. Elle va investir 300 millions de francs pour la construction d’une nouvelle usine à La Chaux-de-Fonds. Son directeur Emmanuel Maître nous emmène dans les coulisses du business des déchets.

– Quel est le rôle de Vadec dans notre écosystème ?
– On est actifs sur toute la chaîne de gestion des déchets, la collecte, le recyclage, l’incinération… Et on sensibilise les gens pour réduire la quantité de ces déchets. Notre priorité, sans hésitation, c’est leur valorisation. On ne cherche pas à tout brûler.

– Pourtant une usine d’incinération c’est fait pour incinérer !
– On a bien assez pour alimenter nos fours. Sur 120 000 tonnes de déchets, 60 % sont d’origine ménagère, poubelles et déchets encombrants. Le reste vient de l’industrie.

– Comment a évolué votre rôle ?
– En 50 ans, nous sommes passés d’incinérateurs à gestionnaires de déchets, en privilégiant leur recyclage.

– On peut parler de cercle vertueux ?
– C’est ce que tout le monde voudrait, ce qu’on appelle l’économie circulaire. Mais il faut être réaliste, on ne peut pas être totalement circulaire. Un exemple qui marche bien c’est le recyclage du verre.

– Et à l’opposé ?
– Tous les plastiques ne se recyclent pas On est en train de mettre en place une filière de récupération. Les bouteilles avec bouchon, les flaconnages, se recyclent bien. Mais certains emballages, qui sont souillés ou constitués de plastiques mélangés, doivent être incinérés.

– Cela permet de produire du chauffage à distance et de l’électricité, c’est une forme de récupération ?
– C’est récupéré mais ce n’est pas vertueux ! On utilise l’énergie de la matière mais celle-ci est perdue, on ne lui donne pas une seconde vie. Et ce qui ne peut pas être brûlé, les cendres et les mâchefers, finit à la décharge.

– J’essaie de comprendre le modèle économique : avec les déchets vous bénéficiez d’une ressource gratuite… et renouvelable ?
– On nous demande parfois pourquoi nous n’achetons pas les déchets ! Mais leur incinération coûte très cher. Ce sont des investissements monstrueux, en bonne partie en faveur de l’environnement. Un système de dépollution des fumées comme le nôtre coûte une fortune.

– C’est le contribuable qui paie ?
– Pas le contribuable mais le consommateur, selon le principe du pollueur payeur ! Ce ne sont pas les impôts qui financent nos prestations mais la taxe déchets qu’on paie chaque année, et les industries qui paient pour éliminer leurs déchets.

– La montagne de déchets, elle continue à augmenter ?
– Dans les années 1960, avec l’augmentation de la consommation et l’arrivée des plastiques, la quantité de déchets a explosé. Nos usines, Cridor et Saiod, se sont mises à tourner en continu 7 jours sur 7 et 24 h sur 24.

– Et aujourd’hui ?
– Ça se stabilise autour de 120 000 tonnes pour notre région, grâce aux efforts de recyclage. Ils compensent l’augmentation de la population. Longtemps on pouvait faire un parallèle entre la hausse du PIB et celle des déchets, aujourd’hui les courbes sont partiellement décorrélées.

– La taxe au sac… Quelle a été son influence ?
– Une diminution de 30 % des déchets incinérables des ménages ! Et globalement une amélioration de la qualité. Les déchets qui n’ont rien à faire dans nos fours ont fortement diminué, comme le verre ou les boîtes de conserve, qui ne brûlent pas.

– La taxe va augmenter ?
– Ce n’est pas prévu. Elle reste à 2 francs par sac pour le moment. Mais c’est le canton et pas Vadec qui fixe le montant.

– Vous communiquez souvent sur les déchets à risque, les batteries ! Un souci pour vous ?
– Ce sont des bombes à retardement ! Une batterie ne brûle pas tout de suite, elle chauffe et peut charbonner durant 24 heures… Et tout à coup le feu démarre ! C’est arrivé 2 fois à La Chaux-de-Fonds. C’est une catastrophe, il faut faire intervenir les pompiers. Les assurances rechignent à nous couvrir. Nos primes ont doublé en une année, et c’est du lourd, on est passé de 280 000 à 560 000 francs !

– Quel conseil vous donnez à la population ?
– Les batteries ne sont pas toujours évidentes à trouver car il y en a partout, dans les jouets, même les cartes d’anniversaire… ! Il faut y penser et les amener à la déchetterie, ou au magasin. C’est prévu même si on n’achète rien. Pareil pour les puffs, les kiosques doivent les reprendre même s’ils rechignent !

– L’incinération des déchets pollue moins qu’il y a 50 ans ?
– Oui clairement, grâce aux connaissances technologiques. Il y a 50 ans, on n’avait pas idée de tout ce qui sortait des cheminées. Depuis, on a amélioré les systèmes de nettoyage des fumées, les nouvelles usines sont très peu polluantes.

L’élimination des déchets à 900 degrés !

 

« Je recycle un max »

Emmanuel Maître est originaire des Franches-Montagnes. Une formation d’ingénieur en microtechnique, un master en génie électronique, un premier job dans l’industrie des ordinateurs. En 2002, il entre chez Cridor… et n’en ressortira plus. En 2013, il est nommé directeur général de Vadec.

– Après la microtechnique et l’informatique, comment avez-vous atterri dans les déchets ?
– Ça peut paraître surprenant. Je pensais y rester quelques années seulement, le temps d’une expérience professionnelle. Je cherchais un travail qui fasse du sens, au service de la collectivité, et je l’ai trouvé.

– La gestion des déchets, le grand défi de la planète ?
– Quand je vois la situation dans certains endroits, les bras m’en tombent ! On est à des années-lumière d’une bonne gestion des déchets dans de nombreux pays. En comparaison, la Suisse a une infrastructure fantastique.

– Quand vous voyez ce continent de plastique qui flotte sur les océans, comment réagissez-vous ?
– C’est une catastrophe environnementale. Il faudrait intervenir à la source mais c’est un problème complexe, dans de nombreux pays émergents, l’eau en bouteille est la seule qui soit potable.

– Votre geste quotidien en faveur du climat ?
– C’est mon métier… mais ça fait des années que je recycle tout ce qui est possible.

– Vous avez peu de poubelles ?
– Non non, j’en ai aussi. Avec trois enfants on a forcément des déchets.

– Le mouvement zéro déchet vous inspire ?
– C’était un mouvement intéressant mais il s’est essoufflé. C’est un engagement astreignant difficile à tenir sur la durée. Avec une famille c’est quasi un job à plein temps.

Emmanuel Maître, directeur général
de Vadec : « Je cherchais un travail
qui fasse du sens. » (photo PF)

Une nouvelle usine à 300 millions !

Une nouvelle usine d’incinération verra le jour en 2031 à La Chaux-de-Fonds. Un projet à 300 millions de francs. L’incinération de tous les déchets ménagers y sera centralisée, mais ce n’est pas le seul avantage, explique Emmanuel Maître.

Les installations s’usent. Elles doivent être renouvelées tous les 30 à 40 ans, sinon on n’arrive plus à courir après le lapin ! On doit constamment se conformer aux nouvelles ordonnances fédérales toujours plus exigeantes. Niveau pollution, on a mis la barre très haut.

– Quelles sont les nouvelles exigences de la Confédération ?
– Elle exige 80 % d’efficacité énergétique. La Chaux-de-Fonds est le seul endroit de l’Arc jurassien où l’on peut atteindre cette norme parce qu’on a un super chauffage à distance, qui va encore être étendu.

– La capacité de la nouvelle usine ?
– 120 000 tonnes par année. On table sur une stabilisation de la quantité de déchets ménagers, comme le montre une étude menée avec le canton et la Confédération.

– Qui finance ces 300 millions ?
– C’est la société Vadec SA. L’usine d’incinération n’est pas une infrastructure communale. La ville de La Chaux-de-Fonds est actionnaire à 15 %, Le Locle à 5,5 %.

Vadec_évolution, le projet de nouvelle usine d’incinération pour faire face aux défis des prochaines décennies. Un investissement de 300 millions. (Photo montage Vadec)
Vadec met le grappin sur 120 000 tonnes de déchets par année.
Vadec met le grappin sur 120 000 tonnes de déchets par année.

« Je recycle un max »

Emmanuel Maître est originaire des Franches-Montagnes. Une formation d’ingénieur en microtechnique, un master en génie électronique, un premier job dans l’industrie des ordinateurs. En 2002, il entre chez Cridor… et n’en ressortira plus. En 2013, il est nommé directeur général de Vadec.

– Après la microtechnique et l’informatique, comment avez-vous atterri dans les déchets ?
– Ça peut paraître surprenant. Je pensais y rester quelques années seulement, le temps d’une expérience professionnelle. Je cherchais un travail qui fasse du sens, au service de la collectivité, et je l’ai trouvé.

– La gestion des déchets, le grand défi de la planète ?
– Quand je vois la situation dans certains endroits, les bras m’en tombent ! On est à des années-lumière d’une bonne gestion des déchets dans de nombreux pays. En comparaison, la Suisse a une infrastructure fantastique.

– Quand vous voyez ce continent de plastique qui flotte sur les océans, comment réagissez-vous ?
– C’est une catastrophe environnementale. Il faudrait intervenir à la source mais c’est un problème complexe, dans de nombreux pays émergents, l’eau en bouteille est la seule qui soit potable.

– Votre geste quotidien en faveur du climat ?
– C’est mon métier… mais ça fait des années que je recycle tout ce qui est possible.

– Vous avez peu de poubelles ?
– Non non, j’en ai aussi. Avec trois enfants on a forcément des déchets.

– Le mouvement zéro déchet vous inspire ?
– C’était un mouvement intéressant mais il s’est essoufflé. C’est un engagement astreignant difficile à tenir sur la durée. Avec une famille c’est quasi un job à plein temps.

Emmanuel Maître, directeur général
de Vadec : « Je cherchais un travail
qui fasse du sens. » (photo PF)

Une nouvelle usine à 300 millions !

Une nouvelle usine d’incinération verra le jour en 2031 à La Chaux-de-Fonds. Un projet à 300 millions de francs. L’incinération de tous les déchets ménagers y sera centralisée, mais ce n’est pas le seul avantage, explique Emmanuel Maître.

Les installations s’usent. Elles doivent être renouvelées tous les 30 à 40 ans, sinon on n’arrive plus à courir après le lapin ! On doit constamment se conformer aux nouvelles ordonnances fédérales toujours plus exigeantes. Niveau pollution, on a mis la barre très haut.

– Quelles sont les nouvelles exigences de la Confédération ?
– Elle exige 80 % d’efficacité énergétique. La Chaux-de-Fonds est le seul endroit de l’Arc jurassien où l’on peut atteindre cette norme parce qu’on a un super chauffage à distance, qui va encore être étendu.

– La capacité de la nouvelle usine ?
– 120 000 tonnes par année. On table sur une stabilisation de la quantité de déchets ménagers, comme le montre une étude menée avec le canton et la Confédération.

– Qui finance ces 300 millions ?
– C’est la société Vadec SA. L’usine d’incinération n’est pas une infrastructure communale. La ville de La Chaux-de-Fonds est actionnaire à 15 %, Le Locle à 5,5 %.

Vadec_évolution, le projet de nouvelle usine d’incinération pour faire face aux défis des prochaines décennies. Un investissement de 300 millions. (Photo montage Vadec)

Découvrez nos autres articles

Après 37 ans à voyager seul, Croisitour a décidé de se lier à un compagnon de route : le groupe valaisan Buchard voyage ! Concrètement, rien
Sursaut européen roumain L’élection a été scrutée de très près et non sans anxiété par les chancelleries européennes. La crainte de voir triompher un