Fondue au pays des frites !

Aline Steiner

« On se fait une fondue sur ma terrasse demain soir ? »

Au silence qui suit ma question, j’imagine la tête interloquée de mon interlocutrice à l’autre bout du fil (même si cela fait bien longtemps que les téléphones n’en ont plus, eux, de fil).
Une fondue en plein été ? Alors que le thermomètre s’amuse à confirmer les plus noirs pronostics de réchauffement climatique ?

Ici, dans la capitale de l’Europe, on mange des frites en toute saison. Ingurgiter une portion (ne parlons pas de cornet ici, de peur de passer pour hérétique !) de ces patates confites de graisse et plongées dans une lourde mayonnaise (rebaptisée « sauce samouraï » ou « sauce andalouse » selon qu’elle est aromatisée d’une manière ou d’une autre) en pleine canicule ne choque personne. Mais parler de se régaler d’un peu (un peu ? depuis quand mange-t-on « un peu » de fondue ?) de fromage fondu en plein été déclenche immédiatement regards suspicieux et ricanements moqueurs.

Pas démontée pour deux sous par l’incrédulité de ma potentielle invitée, j’insiste : « Refuser une invitation à manger une fondue est un affront qui pourrait te coûter mon helvète amitié ! ».

Elle a cédé, bien sûr. On cède toujours à l’appel de la fondue. Surtout quand elle provient en droite ligne de chez Sterchi, n’est-ce pas ? Et elle s’est régalée.

Exilée depuis plus de dix ans en terres belges, j’y poursuis ma mission civilisatrice et m’imagine en vengeresse des victimes de Leopold : il imposa la civilisation belge au Congo alors qu’il ne connaissait pas la fondue ? Je m’en vais, à moi seule, coloniser la Belgique et contraindre ce sous-peuple d’ignares gastronomiques à entrer dans l’histoire du fromage fondu !

 

Dernière parution : À des seins, éditions du Jeune Auteur, Yaoundé (Cameroun), 2020

Découvrez nos autres articles

L’attaquant chaux-de-fonnier du HC Franches-Montagnes Arnaud Schnegg est sur un nuage. Le hockeyeur a trouvé 22 fois le chemin des filets et a effectué