Portés par la vague verte, quelle est leur influence au pouvoir ? Ilinka Guyot et Philippe Rouault sont les 2 élus écologistes au sein des exécutifs de La Chaux-de-Fonds et du Locle. Tous deux viennent du milieu de la santé et sont relativement nouveaux dans leur fonction. Comment parviennent-ils à faire entendre leur voix ? à la demande du journal Le Ô, ils ont accepté de répondre ensemble à nos questions. La rencontre a eu lieu à l’hôtel de ville du Locle.
– Comment jugez-vous votre influence en tant que minoritaire ?
– Ilinka Guyot : Je ne suis pas minoritaire. Il y a un représentant de chaque parti au Conseil communal, je me sens donc égalitaire avec mes collègues. De plus, il y a une majorité de gauche. Si je suis minoritaire, c’est comme seule femme mais cela ne se ressent pas au quotidien.
– Votre influence sur une échelle de 1 à 10 ?
– J’ai la chance d’avoir les espaces publics, ce qui permet de mettre en avant le côté écologique. La tempête de 2023 a démontré l’importance des arbres et de la nature qui nous entoure. Je dirais donc une influence de 8 sur 10 !
– Au Locle, l’élu vert est vraiment minoritaire, le Conseil communal a basculé à droite. Un chamboulement ?
– Philippe Rouault : Quand j’ai pris mes fonctions, la majorité était à gauche et j’étais à la tête de l’urbanisme, une situation idéale pour faire avancer les choses. Dans cette nouvelle législature, je n’ai plus l’urbanisme, mais l’environnement, le social, la santé, la culture.
– Votre influence, entre 1 et 10 ?
– Difficile à évaluer, mes collègues ont aussi une fibre écologique même s’ils sont de droite, mais c’est vrai que j’aimerais aller plus vite. Disons entre 4 et 5 sur 10.
– Vous avez dû avaler des couleuvres ?
– Quelques-unes oui ! Quand j’ai perdu l’urbanisme j’étais assez frustré. Il y a des petites choses qui sont un peu difficiles.
– Quelles petites choses ?
– Par exemple de penser à un chemin pour les piétons et les cyclistes quand on fait une nouvelle route. Ce n’est pas la priorité du nouveau Conseil communal.
– Ilinka Guyot, vous avez moins de couleuvres à avaler ?
– Effectivement, je dois moins me battre. Je partage les mêmes valeurs que mon collègue qui dirige le dicastère de l’urbanisme, de la mobilité et de l’environnement, que ça soit le plan climat ou les mesures mises en place avec la H18, l’autoroute de contournement : un apaisement du trafic, un verdissement plus important, le dégrappage des sols.
– Pourquoi n’avez-vous pas ce dicastère, justement, où on est supposé faire de l’écologie. Vous l’aviez réclamé ?
– Pas du tout. J’ai les services que j’avais mis dans ma « liste au père Noël », les espaces publics, les RH et la jeunesse. Je trouve plus intéressant de ne pas avoir l’environnement, où ceux qui y travaillent sont déjà convaincus. Avec les espaces publics et la voirie, il y a encore une marge d’évolution vers plus d’écologie.
– La suppression des places de parc, c’est la marque des écolos dans les villes ?
– IG : Le but n’est pas de supprimer toutes les places de parc au centre ville, mais de réfléchir à leur utilisation pour permettre au mieux l’accès aux commerces.
– PR : On n’a pas encore des transports publics suffisants pour se passer de la voiture. Mais on a un projet de parking au centre ville pour compenser les places qui seront supprimées dans les rues que l’on veut rendre aux piétons et aux cyclistes.
– Est-ce qu’on peut sauver la planète depuis sa commune des Montagnes neuchâteloises ?
– IG : Oui… (Rires !) Chacun, au niveau de sa commune, du canton ou de la Confédération, peut faire quelque chose pour changer le monde. Les communes proposent d’ailleurs un plan climat pour s’adapter aux objectifs du canton. Le rôle de la commune est de sensibiliser la population, car nous ne pouvons prendre que des mesures incitatives. On ne peut pas obliger un commerce à vendre des légumes de la région ! Mais on peut proposer des alternatives comme la carte abeille, notre monnaie locale, pour encourager une économie de proximité.
– PR : Au Locle, on a le projet de lancer une monnaie locale également. Et on peut agir en promouvant les transports publics, comme aux Brenets, où ils sont gratuits pour les jeunes qui vont à l’école au Locle. Il y a aussi beaucoup à faire au niveau de l’eau pour dépolluer le Bied, on aurait besoin du soutien du canton.
– Comment expliquez-vous le recul des Verts un peu partout ?
– IG : Aujourd’hui, la population est préoccupée par le risque de précarisation. Les Verts ont gagné des voix quand la crise climatique a éclaté, mais avec le renchérissement, les gens ont toujours plus de peine à payer les factures et leurs primes d’assurance. C’est le parti socialiste qui se positionne sur ces questions. Il y a un rééquilibrage mais, globalement, on n’a pas vu un recul de la gauche.
– PR : Je pense que dans quelques années, quand le climat économique sera plus stable, la priorité reviendra à l’environnement. Il faut dire aussi que nos idées ont influencé les autres partis, la conscience écologique s’est généralisée.
Le réchauffement climatique permettra-t-il de planter de la vigne à 1000 m ?
– IG et PR : Mais… il y a déjà des vignerons dans les Montagnes neuchâteloises, des particuliers qui vinifient leur vin en commun. On ne l’a pas goûté mais ça ne doit pas faire beaucoup de bouteilles.
– C’est une bonne nouvelle ?
– IG : Moi, ça m’inquiète plutôt !
– PR : Si on commence à planter du pinot noir au Locle et à La Chaux-de-Fonds, c’est qu’en bas, ça ne va pas très bien.