Un des artisans de la victoire H+H en 2017 avec « Le Haut veut vivre », Armin Kapetanovic est devenu depuis membre du Conseil d’administration de RHNE. Rencontre.
12 février 2017. Les Montagnes neuchâteloises jubilent. Leur hôpital est sauvé, au grand dam des chantres d’une centralisation qui aurait déchiré le canton. Armin Kapetanovic a été l’un des artisans du succès de l’initiative pour deux hôpitaux sûrs, autonomes et complémentaires. Le pharmacien député, passé du PS au POP depuis cette épopée, a intégré le conseil d’administration du Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNE). Vous l’imaginiez comme nous sous pression ? On rencontre un militant aussi pragmatique que serein ! La tension qui remontait en flèche au sein du collectif citoyen H+H est retombée la semaine dernière : le groupement resté actif pour surveiller la juste application de l’initiative, inquiet d’attendre depuis de longs mois, a enfin pu rencontrer les nouveaux dirigeants (encadré ci-dessous).
« J’ai entendu l’impatience du collectif H+H. Mais je ne me suis pas senti sous pression. Je sais combien a été fort le sentiment de trahison face aux votes populaires non respectés. Il est normal qu’ils voient le verre à moitié vide. Je le vois plutôt à moitié bien plein ! »
Expliquez-nous…
Même si le site de La Chaux-de-Fonds doit encore retrouver une identité, et des figures fortes qu’il a perdues, les missions assumées ont quand même crû (blocs, urgences 24/24, etc.). Des choses laissées en plan ont été réalisées (ascenseurs, héliport…). Oui, vu de l’intérieur, la loi est fidèlement appliquée. Nous avons préféré des compromis plutôt que des blocages. J’ai pu en discuter avec Bernard Inderwildi et je crois que lui et les membres du bureau du collectif ont pu mesurer qu’un maximum a été fait en fonction des réalités. Même si ce n’est pas ce qu’on aimerait voir venir…
Pourquoi ?
Les contraintes sont lourdes. Des questions immobilières de fond doivent être posées. Elles ne remettent pas en question les missions du site, ni ne sépareront des activités déjà éclatées. Mais elles peuvent amener à… agrandir ailleurs.
Parce que la « gangrénisation » du site continue?
J’étais un fervent du maintien sur place. Là, je suis à 50-50. Rénover en cours d’exploitation est si ardu. Et le bâtiment, allongé, pose problème. On parle de piliers tous les 90 cm, de chambres trop exiguës, de normes énergétiques impossibles à tenir… Du coup, avec les contournements routiers et la liaison ferroviaire rapide, reconstruire du côté du Crêt-du-Locle ferait sens (réd : lieu évoqué en 2017 pour le centre de réadaptation dont auraient dû se contenter les Montagnes), aussi en vue d’y recevoir potentiellement des patients de France voisine, mais toujours dans le cadre de missions de soins aigus.
Un calendrier?
Bonne question. Une stratégie immobilière tenant compte des contraintes, devrait être en main du Conseil d’Etat fin 2022. Le coût d’un nouvel hôpital ? Au bas mot 150 mios de francs. Plus près des 200 même. S’il y a consensus, il faut compter peut-être dix ans. Il en a fallu vingt pour l’hôpital de Rennaz dans le Chablais… Attention, tout ce qui a été investi en équipements et matériel serait bien entendu déplacé. Les nouveaux blocs, la stérilisation, les appareils d’imagerie.
Le moment de vérité ?
Quand on aura le projet immobilier sérieux que les Montagnes méritent, car elles ont été oubliées pendant de longues années ! Il y a plusieurs pistes… Je ne crois pas au scénario catastrophe du retour à un site unique, même si une employée du RHNE a posé la question au Grand Conseil. Des cadres qui militaient pour le site unique sont certes toujours en place. Mais le consensus pour deux sites est fort même parmi les centralisateurs d’alors. Il faut dire, en restant modeste, que la pandémie nous a tellement donné raison (réd : sans compter le contexte de saturation de ces jours)! Le conseil d’administration, très soudé, collabore vraiment bien avec la direction. Après, il y a 2’700 employés… Et la pression financière reste forte sur Laurent Kurth, même si je ne doute pas de sa loyauté face à la décision populaire. Ce qui est sûr, c’est que dans quinze ans, le canton aura toujours deux hôpitaux. L’heure est à la décentralisation.
« Le Haut veut vivre », fan du Ô ?
Notre collectif est un peu en veilleuse au vu des grandes réalisations initiées. Le Ô ? Hormis, les « Bas » de votre premier No qui piquaient RHNE, bravo. Je trouve le contenu qualitatif, et j’apprécie la diversité des plumitifs. J’espère que votre business model va tenir, car la demande pour une telle info plus locale est évidente.
« Rassurés, oui, mais des points restent en souffrance »
Après des mois d’attente (la pandémie est passée par là), le collectif citoyen H+H a pu rencontrer Laurent Exquis, vice-président du conseil d’administration, Claire Charmet, présidente du collège des directions et le Dr Plachta, directeur médical. La délégation dit être repartie en grande partie soulagée de deux heures trente d’échanges, « loin du double discours de l’époque ».
« Dans un point complet, nous avons appris que 50 millions auraient été engagés sur le site des Montagnes, surtout en rattrapage d’entretiens. Des installations comme une IRM et un PET-Scan ont été faites ou sont en cours. La suite est bloquée par des questions de conformité énergétiques et de contraintes architecturales. La piste d’une construction nouvelle et sa localisation sont à l’étude. Nous aimerions être sûrs qu’avancer les façades pour agrandir les chambres tout en isolant le bâtiment est impossible. En tous cas, cela nous a été affirmé : une centralisation est exclue », se réjouit pour le collectif l’ancien médecin Bernard Inderwildi.
Même si l’activité ambulatoire chirurgicale et médicale s’est accrue, « la gynécologie et l’ORL restent à améliorer, note le collectif, pour qui « l’utilisation des trois blocs opératoires reste insuffisante. Les ouvrir 24/24 soulagerait les six salles de Pourtalès saturées. Concernant les urgences 24/24, des urgentistes seniors devraient assurer une sécurité optimale d’ici novembre 2023. »
La pédiatrie ambulatoire pose problème aux yeux du collectif. « Le déficit d’information à la population est admis par la direction. Les envois sont trop systématiques vers Neuchâtel. Bien des allers-retours pourraient être évités si radiologie pédiatrique, simple attelle et plâtre étaient proposés sur le site des Montagnes. L’utilisation des infrastructures (radiologie) et des compétences (chirurgiens, orthopédistes,…) créerait une polyclinique digne de ce nom avec une amélioration considérable du service à la population, de l’image et de la rentabilité pour RHNE, selon notre collectif », note l’ancien médecin.
Concernant la répartition des missions, un projet a été présenté au Conseil d’Etat. « Certaines des missions que RHNE développe nous semblent encore de niveau universitaire. Il faut veiller au possible conflit d’intérêt entre des prestations rémunératrices pour l’hôpital dont le coût plombe les primes d’assurance. »
Quid de l’autonomie du site, prévue dans la loi votée ? « Mme Charmet est présente chaque jour et M. Plachta deux jours et demi par semaine. C’est crucial pour l’esprit d’équipe indispensable à la qualité et l’efficacité des soins, et à la sérénité des soignants. Mais le gros déséquilibre des leviers de décisions demeure : administration regroupée dans 2500 m2 loués à Neuchâtel, où sont basés la majorité des chefs de départements… La direction parait mal mesurer que concentrer les centres décisionnels dans le Bas est par la force des choses problématique, même si l’état d’esprit général a évolué positivement. »
Le collectif H+H voudrait une transition rapide du tout transversal actuel à une saine complémentarité, « profitable pour tout le monde, et allant dans le sens de l’autonomie prévue par la loi (responsabilités, engagements/ licenciements…). Le site des Montagnes ne doit pas rester une simple annexe du RHNE. Mais au vu de l’état d’esprit et des réponses que nous ont données les dirigeants, nous avons l’espoir d’une évolution positive », tempère Bernard Inderwildi.