Comment les mobilités transfrontalières ont-elles influencé la formation des Etats au Moyen-Orient dans la première moitié du XXe siècle ? L’ouvrage collectif* co-édité par l’historien Jordi Tejel offre une nouvelle lecture, décentrée, de la définition des identités nationales dans la région.
Pourquoi cet intérêt pour les limites territoriales ?
Les frontières sont témoins d’une mobilité importante : des paysans vont travailler tous les jours leurs terres restées de l’autre côté de la frontière, des Bédouins la traversent avec leurs troupeaux. Des contrebandiers, des réfugiés et des migrants défient les frontières, tandis que des touristes européens et des pèlerins venus d’Inde affluent au Moyen-Orient.
Que peut-on en conclure ?
Si les Etats sont producteurs d’échanges et de mouvements, les mobilités des populations frontalières et d’autres acteurs sont aussi productrices d’Etat. Il arrive ainsi que des dynamiques transfrontalières comme la contrebande « obligent » les Etats à affirmer leur présence dans la périphérie. Parfois la coopération domine, parfois c’est le conflit qui s’impose.
Des résultats en résonance avec l’actualité…
Dans la guerre que la Russie a initiée en Ukraine, les principaux points de conflit sont les zones frontières. Ce n’est pas surprenant. Les zones frontières sont souvent vues par les gouvernements soit comme des zones sensibles, car on y trouve des populations considérées comme « moins loyales », soit comme des leviers pour légitimer des aspirations territoriales, en l’occurrence, les ambitions russes dans la partie orientale de l’Ukraine.
*Jordi Tejel and Ramazan Hakkı Öztan (eds.), Regimes of Mobility: Borders and State Formation in the Middle East, 1918-1946 (Edinburgh University Press, 2022).