Valentin Faivre, un joueur qui a plus d’un cor à son alpe !

Anthony Picard

Animateur, professeur, joueur : une vie en musique

Comme les bonbons Ricola, le lancer de la pierre d’Unspunnen ou la lutte à la culotte, le cor des Alpes est une invention typiquement suisse même si certaines régions alpines signalent aussi un porte-voix pour rassembler les troupeaux. A la fin du XVI, le naturaliste Conrad Gessner relate une sorte de cor long de onze pieds fait de deux longues pièces de bois, recourbées, évidées et assemblées l’une contre l’autre par de l’osier servant aux paysans de la région du Pilatus à rattrouper le bétail. Aujourd’hui, jouer du cor des Alpes est devenu tendance chez les jeunes mais aussi chez les joueurs d’âge mûr qui vouent au cor une véritable passion.

Rencontre sur les hauts du Locle avec Valentin Faivre, professeur de musique, qui joue de la trompette, du cor d’harmonie et qui maîtrise le cor des Alpes. « Après la trompette et le cor d’harmonie, j’ai adopté celui des Alpes ». D’harmonie, de chasse ou des Alpes, ils fonctionnent selon le principe des cuivres de fabriquer du son par vibration des lèvres.

 

– Conservatoire & cor des Alpes, quels objectifs vise cette filière ?

– Pour le Conservatoire, placer le cor des Alpes dans son offre est une légitimation à part entière de cet instrument, au même titre que d’autres plus académiques. Même si le cor des Alpes est très élémentaire dans sa conception puisque ce n’est « qu’un bout de tuyau », l’apprivoiser et en jouer de manière harmonieuse demande un apprentissage sur plusieurs années. Après que notre offre ait été rendue publique, j’avoue ma surprise devant la demande et l’engouement des médias pour cet instrument archaïque mais toujours populaire.

 

– Des cours de musiques traditionnelles accessibles à toutes et tous ?

– Le cursus proposé par le conservatoire s’adresse aux adultes et se déroule sur 4 ans. L’approche de l’apprentissage est différente que celle qui ressort des associations officielles dans le sens où elle est plus individualisée même si le but est également de pouvoir jouer avec d’autres cornistes. Ici, on apprend aux musiciens à jouer sans l’aspect folklorique et populiste qui colle au cor. Véritable emblème d’une suissitude politisée, mon rôle est d’ouvrir les élèves à placer la vibration du son du cor au centre de leur jeu dans des prestations folkloriques ou contemporaines.

 

– Comment le décloisonner ?

– Comme tout instrument, il doit être bien joué pour être apprécié des auditeurs. Donner des conseils à des musiciens qui désirent se perfectionner ou à d’autres qui préparent un concours est aussi une manière de le décloisonner. Se produire dans d’autres endroits que les fêtes folkloriques permet de le rendre plus accessible. Avec notre quatuor « Dacor », nous démocratisons cet instrument en le valorisant auprès d’un public comme lors de concert-spectacle à la plage des Six Pompes. Avec ses qualités scéniques, on peut se permettre des extravagances comme jouer en se tournant ou en entremêlant nos instruments. »

 

– Souvent écouté à l’extérieur, comment s’exercer dans un appartement ?

– Comme chaque instrument très sonore, si nous ne pouvons l’exercer à notre domicile, les répétitions dans la nature ou dans un garage sont à privilégier. Pour nos étudiants, la question ne se pose pas. Grâce à leur statut, ils ont la possibilité de venir répéter au Conservatoire. J’ajoute que jouer en sourdine dans un endroit qui ne s’y prête pas risque de péjorer les progrès du musicien car jouer du cor des Alpes c’est justement apprendre à projeter le son.

 

– Des chiffres sur le nombre d’élèves, le coût d’un cor des Alpes ?

– Pas d’attente précise mais avec une bonne dizaine d’élèves, nous sommes satisfaits. Certains vont suivre la formation sur 4 ans alors que d’autres viennent se perfectionner sur quelques leçons. Pour l’écolage, il faut compter environ CHF 800.- par semestre pour 30 minutes hebdomadaires auxquels s’ajoute un montant de CHF 3’000.-/ 4’000.- pour un cor ; la moitié pour une bonne occasion. Pour les musiciens en herbe, ceux qui veulent essayer, moi-même et le Conservatoire prêtons des instruments.

 

– Quelle est la vie professionnelle de Valentin Faivre ?

– C’est un enchaînement palpitant d’emplois variés entre les concerts, mon rôle d’enseignant au Conservatoire, des cours de musique que je donne à trois classes des Perce-Neige et la fonction de coordinateur de l’école de la Musique Scolaire du Locle. Dans cette activité, je donne des cours d’instrument, de solfège et de musique à des jeunes de 9 à 20 ans et dirige le Jam’s Orchestra, une formation de jeunes de 13 à 25 ans rassemblés autour de concepts ludiques. Aux répétions hebdomadaires s’ajoutent des camps formateurs qui soudent et donnent du plaisir à la jeunesse en lui insufflant le goût de la musique. Enfin, je donne des coups de mains à des orchestres en quête d’un cor d’harmonie et participe à des expériences uniques comme celle de composer avec Stéphane Mercier la musique du documentaire sur la pierre d’Unspunnen. (rts.ch/play/tv/histoire-vivante)

 

– Mythique le cor des Alpes ?

– Son capital sympathie est indéniable et comme en jouer requiert une certaine mise en scène, c’est l’instrument idéal pour faire le tour du monde sans argent. Mythique aussi puisque cet instrument, duquel ne sortent que 15 notes, est difficile à apprivoiser. Avec lui, il faut être respectueux, souple dans sa tête et savoir s’écouter.

 

– Le cor des Alpes en fibre de carbone, où est l’authenticité ?

– Vaste débat ; bien que préférant jouer avec l’instrument en bois, je vous mets au défi de reconnaître le son produit par celui en carbone. Certes, jouer du cor avec un instrument fabriqué par notre artisan Gérald Pot participe au mythe mais celui en fibres inventé par Roger Zanetti possède les avantages du poids (1,3 kg) et la solidité permettant à des personnes pas forcément « physiques » de le transporter facilement. Faire connaissance avec Florence Zanetti, fille de l’inventeur qui dirige sa petite entreprise du côté d’Yverdon, apporte aussi son lot d’émotions même si le carbone n’offre pas une chaleur identique au bois.

 

– Un conseil pour ceux qui veulent commencer ?

– Avant de devenir le nouveau Balthasar Streiff du cor des Alpes, je conseille à toutes et tous de venir essayer. Ensuite, c’est un instrument qui peut paraître ingrat et frustrant dans son apprentissage ; la gestion de la pression de l’air ne s’acquiert pas au fil des mois mais au fil des ans ; c’est d’ailleurs pour ça que je déconseille l’instrument aux enfants sauf s’ils pratiquent déjà un autre cuivre. Ensuite, pour progresser, rien ne vaut un entraînement quotidien d’une dizaine de minutes associé à des cours individuels.

 

– Cet été, des rendez-vous particuliers pour le cor des Alpes ?

– Tout d’abord avec notre quatuor Dacor pour nos concerts-performances au Grand Temple de La Chaux-de-Fonds le 25 juin dans le cadre des journées du patrimoine. Et à ne pas manquer le Fête Fédérale des Yodleurs à Zoug qui accueillera des chanteurs, dans lanceurs de drapeaux et de nombreuses formations de cor du 16 au 18 juin. Pour les férus de cor, il y a aussi le Festival international de cors des Alpes de Nendaz qui accueille depuis 2001 de nombreux joueurs de cor.

Dans la salle privilégiée qu’offre la nature, Valentin Faivre apprécie d’être en harmonie totale. (Photo : ap)
Dans la salle privilégiée qu’offre la nature, Valentin Faivre apprécie d’être en harmonie totale. (Photo : ap)

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