Vilaine pomme et méchante reine

Par Dunia Miralles

Enfant, je détestais le goût de la peau des pommes. Ma mère épluchait toujours les goldens qu’on m’obligeait à manger « parce que c’est sain ». Et puis j’ai commencé l’école et lu Blanche-Neige. La vilaine marâtre l’empoisonne avec une belle pomme rouge. Un conte, m’expliqua-t-on. Une fable qui n’existe que dans les livres !

À l’époque, moyennant un prix dérisoire, on nous distribuait des pommes à la récréation de 10 h. Pour nous faire avaler ce fruit typiquement helvétique, une énorme campagne de publicité lui accordait toutes les vertus. Sans graisses, il apportait les nutriments nécessaires aux muscles et au cerveau, tout en protégeant nos dents. On m’apprit également que c’était une hérésie de le peler. Que la plupart des vitamines se trouvaient entre la peau et la chair.

Bonne élève, je m’efforçais de le croquer. Cela devint une saine habitude. Je n’imaginais même pas qu’on pouvait le manger autrement, à moins d’être un vieillard ou un bébé. Je ne compris pas quand, des années plus tard, une amie parisienne s’esclaffa : « Tu croques les pommes !? » Du côté de Paris, même les prolos les pelaient et les coupaient dans une assiette, ce qui me sembla parfaitement incongru.

Or, un ami agriculteur de notre région m’a assuré dernièrement que c’est le fruit le plus traité aux fongicides, pesticides et autres produits peu ragoûtants. Pas moins de 27 à 35.

Il semblerait que la pomme, dont on n’a cessé de me vanter les propriétés, est de nos jours empoisonnée. Que c’est un fruit dont il faut se méfier. J’enrage, dépitée. La méchante reine a triomphé. à présent, comme je ne crois pas au salvateur prince charmant, j’épluche mes pommes.

Caravelles du Seyon, éd. Alphil, juin 2024.

Le Gouffre du Cafard, éd. BSN Press,
et Le baiser d’Anubia, éd. Torticolis et Frères, 2023.

 

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