On peut lui trouver mille défauts et même davantage, la ville reste le lieu privilégié de l’observateur un brin voyeur, le tambour battant de tous les excès, le macadam à fleur de peau. Certes, la nature ne manque pas de charme, il y a toujours un petit coin rousseauiste au fond de chacun. Mais la tentation urbaine… Il suffit de se poser sur un banc, un coin de mur, un escalier – les terrasses estivales et une fée, verte de préférence, sont plus confortables – j’ai vérifié.
Ils sont tous là : le mec au chapeau de cow-boy, qui promène son basset en fumant une clope ; le petit gros, chemise blanche impec qui ne dissimule pas son ventre de baleine ; le clan des Sub-Sahariens qui squatte la sculpture de la rue de l’Avenir quand la température dépasse 22 degrés. Le quidam ordinaire, lui, parle de tout et de rien avec ses potes, arpentant la grande artère, qui faisait regretter à Edgar Morin, pince-sans-rire, qu’il « n’y ait qu’une rue dans cette petite cité horlogère » !
Les fagotés comme l’as de pique traînent la savate, prouvant que le ridicule ne tue pas. Dans un coin de parc, ça marchande le shit ou plus si entente ; ça s’engueule dans une langue aux accents tranchants comme des rayons lasers ; une mère de famille nombreuse, sous son voile, dégouline. Les trottes électriques vous frôlent et filent, défilent ; les chiens se reniflent le cul et relèvent leurs e-mails à eux, humides, au coin des immeubles. Minettes de 15 ans nombril à l’air, ados hurleurs accrochés à leurs cannettes, vieux grincheux et mamies permanentées, on se croise sans vraiment se voir. Les flics distribuent des prunes à la volée, ça rigole plus comme au siècle dernier…
Dernières parutions :
Dernier concert à Pripyat, Ed. L’Age d’Homme
L’Horizon et après, Ed. Torticolis Frères, les deux 2020
