Josette Frésard : une survoltée jamais en panne d’énergie

Propos recueillis par
Giovanni Sammali

La présidente de Viteos figure dans le « Forum des 100 », célébré mardi à Lausanne. Les tensions sur le front énergétique ne tempèrent en rien son allant, même si le moment de tirer la prise approche.

Energique. Sans doute le mot qui sied le mieux à Josette Frésard. Ajouter que l’entrain de cette dame de fer est communicatif, c’est l’asseoir déjà dans le fauteuil de meneuse, de dirigeante. Et manoeuvrer des paquebots, ça la connait : directrice des Services industriels de la Chaux-de-Fonds, cheville ouvrière de la fusion des SI des trois villes du canton et de Gaz neuchâtelois, directrice depuis 2007 de Sirun (nom de projet), devenu Viteos, elle en est toujours la présidente du Conseil d’administration. En parallèle, elle a été conseillère communale de 2006 à 2008, députée, et elle a présidé sept ans la Braderie et ses Horlofolies. Vous avez dit Madame 100’000 volts ? Classée en 2012 par Bilan parmi les 20 femmes qui font la Suisse, elle figure cette année dans le Forum des 100 personnalités qui font la Suisse romande. Rencontre.

 

Figurer au Forum des 100, on sent que ça vous a touchée ?

C’est une belle reconnaissance. Mais attention, pas seulement pour moi. Je la prends comme un hommage rendu à tout Viteos : Conseil d’administration, direction ainsi qu’à l’ensemble de nos collaborateurs et collaboratrices. Je figure sur la liste parce que Viteos a réussi, et cela double ma satisfaction.

 

En relisant votre parcours, on voit qu’en 2006-2007, vous avez cumulé trois casquettes de capitaine…

Ces trois jobs (réd : conseillère communale, directrice des SI, et chef de projet de SIRUN), ce n’était pas le pire moment en terme de stress, même si j’ai fait un 2 x 8 à moi toute seule ! Mes collègues du Conseil communal ont été d’une solidarité exemplaire. Ils voulaient comme moi que le projet de fusion des SI des 3 villes et de Gansa réussisse et dans un suivi logique, nous prenions la barre de Viteos. Ils m’ont déroulé une sorte de tapis rouge, acceptant de devenir mes suppléants extraordinaires pour me décharger de nombre de dossiers communaux. Cela m’a permis de relever le défi, à satisfaction je crois. J’ai toujours dit qu’on ne pouvait pas construire quelque chose seule et en se réservant une place. J’ai fait le choix de Viteos, car sans dénigrer l’administration publique, je me sens mieux dans une entreprise.

 

Le moins bon souvenir au Conseil communal?

Mon regret en politique, c’est qu’on n’y avance pas assez vite.

 

Le meilleur souvenir ? 

Avoir dirigé la sécurité, la police et les pompiers. J’ai été la première femme en charge de la sécurité de la Ville. La situation était critique, et on a réussi à redresser la barre. Ensuite, d’avoir réussi à créer Viteos.

 

Racontez-nous…

Il a fallu fédérer des dirigeants de tous bords politiques. J’ai eu la chance d’avoir à mes côtés des Georges Jeanbourquin, Laurent Kurth, beaucoup critiqué aujourd’hui sur d’autres dossiers, ou encore le popiste loclois Denis de la Reussille. Nous nous sommes unis pour l’intérêt général du Canton. Si nous avions échoué, et que l’on dépendait aujourd’hui d’acteurs extérieurs au canton, la situation serait critique.

 

Réussir un parcours de dirigeante en tant que femme, compliqué ?

J’ai toujours opéré dans des milieux très masculins. Sans aucun souci. Comme un homme, il faut se faire un nom et se faire respecter. Et je trouve que certaines jeunes femmes le font mal aujourd’hui. Il n’y a pas besoin d’agressivité, ni de livrer bataille pour une écriture inclusive. Nous pouvons être respectées sans ça. Et en acceptant qu’un homme nous tienne la porte, sans s’en offusquer !

 

L’égalité homme-femme chez Viteos ?

Elle est une réalité. Nous sommes en mode fair-play depuis longtemps.

 

Comprenez-vous la colère de femmes par rapport au relèvement de l’âge de l’AVS?

J’étais pour ce relèvement.  A condition que l’on instaure l’égalité jusqu’au bout, en commençant par la révision de la Loi sur la prévoyance professionnelle et que les mesures prévues pour la génération de transition soient véritablement appliquées. A partir de maintenant on cessera de dire « Les femmes ont une année de moins de travail !».

 

Vous avez beaucoup donné à votre carrière. Trop ?

Mon mari a eu une grave maladie. Nous avions notre fils. Je pouvais subir. Ou réagir et construire. J’ai suivi la formation fédérale d’experte en finances et contrôle de gestion et commencé mon parcours au SI. Trop donné ? (elle se fait grave). Pas les premières années. Mais en 2018, quand il a fallu se séparer du nouveau directeur général d’alors, il était prévu que je lève le pied pour voyager. J’aurais pu maintenir mon programme. J’ai décidé de faire le sacrifice et d’assumer en redevenant administratrice déléguée. Parce que je suis quelqu’un de responsable. Et… parce que j’aime ça. Cela m’a quand même coûté des sacrifices au plan personnel.

 

Vous semblez infatigable, inarrêtable…

Au-delà de mon âge, j’ai peur de faire l’année de trop. La transition est bien lancée. La nouvelle équipe de direction, emmenée par notre directeur général Daniel Pheulpin est en position de reprendre le flambeau. Mon mandat de présidente va jusqu’en 2024 et d’ici là je souhaiterais consolider et accompagner encore quelques projets.

 

L’avenir de La Chaux-de-Fonds ?

Je crois en cette ville. Dans 10 ans elle aura changé de visage, avec les nouvelles liaisons et contournements. Les Chaux-de-Fonniers doivent en prendre conscience les premiers !

 

 

« Rageant de devoir répercuter des hausses injustifiées »

Viteos, avec près de 400 collaborateurs au service de 80’000 clients de la région, assure la fourniture et la gestion des réseaux pour eau, électricité, gaz et chauffage à distance. Le
fournisseur historique neuchâtelois a fait tousser en annonçant une hausse de 52% pour le courant, là ou d’autres restaient
bien en-dessous (19,4% pour Groupe E, 48,5% pour Romande Energie). Explications de Josette Frésard.

 

Pourquoi de tels écarts ?

Viteos produit seulement 13% de l’énergie distribuée à ses clients. Nous avons une emprise directe sur cette partie. Pour le reste (réd : 87%), nous sommes tributaires du marché et des hausses imposées par les transporteurs que sont Swissgrid et Groupe E sur l’acheminement (réd : taxes et redevances étant le troisième composant des prix de l’énergie).

 

Tout est donc justifié ?

Non. Et je tiens à le dire à la population neuchâteloise : ça m’horripile de devoir répercuter sur nos porte-monnaie des effets de la spéculation de grands producteurs étrangers, qui profitent de la situation pour gonfler les tarifs, et de savoir que cet argent qui file loin de Suisse n’y reviendra jamais…

 

Vous êtes de droite. La maximisation des profits est la règle du jeu, non ?

Je suis fille d’ouvrier. Je suis de droite, mais plutôt centriste, car j’ai toujours eu pour principe qu’un franc dépensé doit d’abord avoir été gagné. Et pour qu’une région vive, il faut un soutien à son tissu de PME. Mais ici, la question n’est pas politique : c’est la situation mondiale et une guerre qui sont en cause.

 

La solution ?

Produire une plus grande part de notre énergie ici, chez nous. Les gens l’ont bien compris. On croule sous les demandes pour les panneaux solaires notamment.

 

Demander aux gens d’économiser, n’est-ce pas justifier les hausses, de façon un peu cynique, en regard du jeu spéculatif au niveau international ?

Ce n’est pas en regard du prix qu’il faut réduire nos consommations, mais en regard du risque de pénurie au printemps. Est-il réel ? C’est ce que l’on nous dit. Cynique ? C’est le principe même de la spéculation : on anticipe un problème qui risque d’arriver. Souvenez-vous du bug informatique annoncé pour l’an 2000.

 

 

 

 

 

 

Josette Frésard : énergie communicative, sincérité et carrière fantastique. Non sans sacrifices au plan personnel. (gs)
Josette Frésard : énergie communicative, sincérité et carrière fantastique. Non sans sacrifices au plan personnel. (gs)

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