Épargné par le grand incendie de 1833, le Crêt-Vaillant est l’une des rues les plus belles et pittoresques de la Mère commune. Ancienne route menant à La Chaux-de-Fonds, elle se distingue par son profil en dos d’âne et ses maisons du XVIIe siècle. Comment y résister ?
Au numéro 28 se dresse la maison dite du « Haut Perron », à côté de celle du « Long Perron ». Construite en 1786, cette bâtisse en pierre de taille appartenait à Jacques-Frédéric Houriet (1743-1830), considéré comme le père de la chronométrie suisse. Après un apprentissage au Locle et des études à Paris, Houriet revient dans notre belle cité pour se consacrer à l’horlogerie. Ses recherches scientifiques, notamment sur l’influence du magnétisme des pôles sur les montres marines, lui valent une renommée internationale. Il tisse alors un large réseau d’influenceurs et de dignitaires.
Bâtisse du roi de Prusse puis… presque lieu de départ de la révolution !
Sa maison accueille ainsi de nombreuses personnalités, dont, en 1810, l’ancienne impératrice des Français et reine d’Italie, Joséphine de Beauharnais (1763-1814). Il faut dire que la première épouse de Napoléon se trouve en pays conquis (au sens premier du terme), Neuchâtel étant en 1806 une principauté du maréchal d’Empire Louis-Alexandre Berthier (1753-1815). En 1814, Neuchâtel redevient prussienne. La maison dite du « Haut Perron » accueille cette année-là le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III (1797-1840) puis son successeurs en 1842. Ironie de l’histoire, c’est à quelques mètres de là que débutera en 1848 la révolution neuchâteloise.
Pourquoi le Crêt est-il Vaillant ?
L’histoire débute près de 500 ans plus tôt, en 1380 exactement. Jean II d’Aarberg concède aux Loclois un chemin permettant de développer l’axe est-ouest qui lie l’évêché de Bâle à la France via les Montagnes neuchâteloises et les Brenets. Dans la Mère commune, ce chemin devenu ensuite la rue du Crêt-Vaillant resta la principale avenue pour traverser le Locle jusqu’en 1844. Pourquoi ce nom ? Vaillant fait référence à un nom de famille d’époque. Cette famille résidait dans le haut du village, soit le Crêt. Le nom Crêt-du-Locle suit la même logique de « crête ». Pour la petite histoire, le village entre les deux grandes villes des Montagnes faisait partie des quartiers orientaux du Locle jusqu’en 1848.
Place à la poésie… en danois s’il vous plaît !
Les descendants d’Houriet s’étant alliés, par mariage, aux horlogers danois Jürgensen, un écrivain et poète va alors renforcer le prestige de l’auguste demeure : Hans Christian Andersen (1805-1875) ! En août 1833, il est accueilli chaleureusement par M. et Mme Houriet, « qui ne voulurent rien entendre pour le paiement ». Devenu le « meilleur camarade » de leurs enfants, le poète danois s’étonne d’ailleurs de voir tomber « quelques flocons de neige » en plein été, selon ce qu’on peut lire dans le livre de Philippe Terrier Le pays de Neuchâtel vu par les écrivains de l’extérieur : du XVIIIe à l’aube du XXIe siècle. C’est au Locle qu’il achève son texte Agnès et le Triton dont une œuvre de l’exomusée rappelle désormais cet épisode. Auréolé d’une notoriété mondiale, Andersen reviendra par la suite dans la Mère commune des Montagnes neuchâteloise, cette fois non plus en diligence, mais grâce au chemin de fer.
