Le choix de la concordance

Olivier Kohler

L’improbable éjection d’Ignazio Cassis ne s’est pas produite. Au final, Beat Jans entre dans l’histoire

L’improbable éjection d’Ignazio Cassis ne s’est pas produite. La nuit des longs couteaux a brutalement coupé courts aux scénarios de complots secrets – pour écarter le ministre des Affaires étrangères – et bousculer les équilibres politiques et les certitudes. Datant de 1959, la fameuse formule magique reste donc inchangée après ce mercredi 13.

Le Parlement a privilégié le statu quo : stabilité et concordance, dans un contexte historique marqué par une succession de périls et de crises internationales, comme l’a rappelé avec gravité Alain Berset, président de la Confédération, visiblement très ému par la standing-ovation que lui ont réservée les Parlementaires.

Immense soulagement dans les rangs du PLR, avec la réélection plutôt confortable d’Ignazio Cassis (167 voix). Le grand vieux parti maintient ses deux sièges. En embuscade pour reconquérir son siège perdu, le Centre n’a pas osé franchir le pas. Caressant le rêve d’entrer au gouvernement, les Verts doivent déchanter. Le parti socialiste a frisé le psychodrame, inquiet de voir son ticket officiel contesté au profit du candidat zurichois Daniel Jositsch, qui réalise un bon score et aura alimenté un soupçon de suspens.

Au final, Beat Jans entre dans l’histoire. Pro-européen issu de la classe ouvrière, il accède au Conseil fédéral. Bâle tient sa revanche après la non-élection l’an dernier d’Eva Herzog, devancée par Élisabeth Baume-Schneider.

Le rêve d’une majorité de Suisses de voir une formule magique repensée et plus représentative des forces politiques du pays a volé en éclats.

Animé par la volonté d’assurer une continuité et une stabilité, le gouvernement à la manœuvre durant ces quatre prochaines années devra relever des défis colossaux : normaliser et renouer des relations solides avec l’Union européenne, faire exister et rayonner la Suisse dans un ordre mondial en pleine recomposition, affronter les potentielles tempêtes à venir (climatiques, financières et économiques).

L’autre enseignement de cette élection, c’est que l’Assemblée fédérale vient d’élire le gouvernement le plus vieux son histoire : moyenne d’âge 61 ans. On est certes encore bien loin des records de longévité politique incarnés par le président américain Joe Biden. Très loin aussi de candidat jeunes – le Grison Jon Pult n’a pas trouvé grâce aux yeux du parlement. Et d’un certain Numa Droz. Pur produit de la révolution neuchâteloise, ce Chaux-de-Fonnier issu d’un milieu populaire a été graveur et instituteur, avant d’être élu au Conseil fédéral le 10 décembre 1875 au terme d’une élection épique.

Rappelant au passage que notre ville peut s’enorgueillir d’avoir été une grande pourvoyeuse de conseillers fédéraux de talent. Numa Droz, pionnier et précurseur. Pierre Graber (1970 à 1978), Pierre Aubert (1978-1987), sans oublier René Felber, originaire du Locle. Élu à l’âge de 32 ans, Numa Droz demeure à ce jour le plus jeune conseiller fédéral de l’histoire.

 

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