Le Club 44, de la guerre d’algérie à l’onde de choc du Printemps arabe
Programmation riche et dense en ce début d’année au Club 44. L’historien français Hamit Bozaslan a pris de la hauteur avec les révolutions qui ont marqué le monde arabo-musulman en 2011. À la joie et à l’espoir ont souvent répondu la terreur et la violence des régimes autocratiques. Une décennie après ces printemps arabes, quel regard peut-on porter sur eux comme sur ces répressions.
L’auteur revient aux origines des dynamiques émancipatrices surgies en 2011. Mais aussi de la radicalisation des processus destructeurs en œuvre au Moyen-Orient depuis des décennies, de la transhumance djihadiste aux luttes hégémoniques des grands acteurs régionaux (Arabie saoudite, Iran et Turquie). Et il montre que si la passion de l’égalité, de la liberté et de la dignité s’est exprimée avec force dès 2011, avant d’être renouvelée en Algérie, au Soudan, en Irak et au Liban, les risques d’une restauration autoritaire, ainsi que d’une transformation de certains états arabes en forces miliciennes, ont très tôt été présents. Ainsi, en Syrie, mais aussi en Libye et au Yémen, le Léviathan autoritaire a cédé la place à Béhémoth, dont l’ultime dessein est de détruire la société. Dans cette dynamique du pire, l’aveuglement et le cynisme des démocraties occidentales n’ont pu que favoriser l’émergence des « monstres » dans le monde arabe.
La Suisse à l’épreuve de la guerre d’Algérie
Éric Burnand, une ancienne figure de la télévision, et l’historien Marc Perrenoud, ont retracé plusieurs épisodes marquants de la guerre d’Algérie – immortalisés et symbolisés par deux bandes dessinées retraçant le contexte singulier de la Suisse à l’épreuve du conflit. L’épisode sombre du suicide du procureur de la Confédération a vu le 23 mars 1957, René Dubois, une personnalité socialiste originaire du Locle, mettre fin à ses jours à Berne, empêtré dans une affaire d’espionnage au profit des services secrets français. Le Conseiller fédéral Max Petitpierre a joué un rôle décisif dans le processus qui a mené aux Accords d’Évian qui en 1962 mettent fin à la guerre d’Algérie.
Repenser les Lumières
Autre conférence, celle de la philosophe française Corne Pelluchon. Comment défendre les Lumières dans un contexte marqué par le réveil du nationalisme, les crises environnementales et sanitaires ainsi que par l’augmentation des inégalités ?
Faut-il les défendre après Auschwitz, Hiroshima, les crimes coloniaux et alors que les risques globaux associés à notre modèle de développement témoignent d’une inversion du rationalisme en irrationalité conduisant à la remise en question de la notion de progrès ? Faire face au danger d’effondrement de notre civilisation en tenant compte de notre dépendance à l’égard de la nature et des autres vivants. Disruption avec un héritage et incitation à repenser de nouvelles Lumières : défendre un universalisme latéral et un contexte visant à promouvoir une société démocratique et écologique. Ce projet d’émancipation individuelle et collective peut-il ouvrir un horizon d’espérance en dépit de la violence qui imprègne notre monde ?
(Comm/Le Ô)
